Si Loïc Lantoine ne vient pas à toi, va à Loïc Lantoine. Voilà ce que je me suis dit constatant l'absence de concert du monsieur à l'extrême ouest. Quittant mes bases brestoises, je suis donc parti dans le Morbihan pour découvrir Loïc et François sur scène et profiter de l'occasion pour les interviewer.
Loïc Lantoine et François Pierron, bonsoir. Pouvez-vous nous parler de votre rencontre et de votre collaboration (Loïc pour les textes et François pour la musique) ?
Loïc Lantoine : C'est venu assez naturellement et c'est avant tout une rencontre humaine avant d'être un choix artistique. Effectivement, j'avais quelques textes et aucune expérience. J'ai fait très peu de chose tout seul et rapidement j'ai branché François sur une date et il se trouve qu'on a jamais arrêté.
Tu as aussi collaboré avec Jehan et Alain Leprest sur des textes ?
Loïc Lantoine : C'était un peu mes premiers pas dans le boulot, sur un album de Jehan co-écrit avec Alain Leprest (Les ailes de Jehan en 1999).
Et en 2000 un spectacle avec ces deux collègues…
Loïc Lantoine : Ouais, ça s'appelait "Ne nous quittons plus" et François était déjà là dans l'histoire. C'était nos débuts ensemble en fait.
L'histoire de votre spectacle et de votre album Badaboum, c'est une histoire de rencontres. On parlait de Jehan et Alain Leprest mais il y a aussi les Têtes Raides et la Rue Ketanou.
Loïc Lantoine : Ouais, c'est plein de rencontres différentes. Pour ce qui est de la Rue Ketanou , c'est un peu la famille. On les connaît depuis le début et on a fait plein de choses ensemble, qui continuent d'ailleurs, qui se poursuivent (au sein du collectif Mon Côté Punk). Les Têtes Raides, c'est venu plus tard et c'est une rencontre. Même si elle déborde sur une belle amitié, ce sont nos producteurs. Ils ont monté un label qui s'appelle Mon Slip et ils nous ont donné de supers conditions pour enregistrer le premier disque.
Ouais, les rencontres, on se nourrit vachement de ça. On croise beaucoup de gens et on aime bien se mélanger. On a la chance d'avoir de belles amitiés dans ce métier et comme on aime bien faire des cascades, comme on dit, ben régulièrement on fait le zouave avec des collègues.
Concernant la composition musicale de Badaboum, c'est venu assez naturellement ?
François Pierron : C'est plutôt de l'ordre de la chanson. Moi , je ne pense pas composition, je pense plutôt mélodie, chanson. J'essaie de trouver le moyen de raconter l'histoire de Loïc à travers mon cheminement à moi. C'est un premier trajet. Je crois que ce qui est intéressant, c'est la rencontre entre les deux. Puis après, c'est les gens dans la salle qui ouvrent plein d'autres fenêtres.
Mais moi, je pense aux petites mélodies. Souvent ce que je trouve, c'est pas forcément sur la contrebasse, c'est plutôt en me baladant, en sifflant. Ce qui est intéressant, c'est que Loïc, c'est pas tant qu'il ne chante pas, c'est qu'il chante vraiment à sa manière. Il y a beaucoup de rythme, c'est sa musique à lui. Moi, j'essaie de mettre ça en chanson.
Tu parles de la façon de chanter de Loïc qui est très particulière, d'ailleurs il y a un petit clin d'œil au début de l'album pour savoir si c'est de la chanson chantée ou pas. Vous avez vraiment votre univers, à la fois musical et au niveau des textes.
Loïc Lantoine : Ouais, une façon de faire qui n'est pas vraiment calculée. Au départ si tu veux, c'est fait avec les moyens du bord et il se trouve qu'on se sent bien dans cette façon de travailler, de s'exprimer. Et puis voilà cette petite esthétique qu'on a développée naturellement. Au départ, j'avais juste des textes et je n'avais pas dans l'idée même de chanter. Petit à petit, les choses, elles sont comme ça. En travaillant tous les deux, on est arrivé là mais sans jamais calculer en fait. C'est un heureux hasard.
Tu es un venu à la chanson par hasard ?
Loïc Lantoine : Ouais complètement. Je prends souvent l'idée d'un carambolage qui se poursuit. On est assez content mais sans jamais avoir prévu quoi que ce soit. C'est venu comme ça naturellement mais on ne change pas de méthode de travail. De toute façon, on avance comme ça, assez naturellement.
Du coup tes textes sont restés tels quels malgré le passage à la chanson ?
Loïc Lantoine : Ça passe par l'oralité de tout façon, parce que c'est des trucs qui sont faits pour être entendus. A partir de là, on fait fracas avec François. Les choses évoluent au contact des gens, de la scène. On ne passe pas beaucoup de temps, voire pas du tout, à répéter. Dès que l'idée se dégage, on essaie tout de suite puis les choses évoluent vraiment sur scène.
François Pierron. Mais y'a rarement de transformation du texte après qu'il y ait eu la musique. Par contre, maintenant, après le parcours qu'on a fait, Loïc commence à bien comprendre le bazar de ma contrebasse. Du coup, il commence à y avoir des textes sur des musiques à moi.
Badaboum est sorti en février 2004, vous avancez sur d'autres compositions maintenant ?
Loïc Lantoine : Ouais, ben maintenant, on pense sérieusement au suivant. On va prendre le temps mais à force de dire ça, on commence à être à la bourre. Mais on y pense sérieusement au prochain.
Il ne doit pas y avoir une grosse pression de la maison de disque, ils vous laissent le temps ?
Loïc Lantoine : Ben non parce que Mon Slip c'est pas une major. Ce sont des gens qui sont des artistes, qui n'ont pas envie de forcer la marche d'après un calendrier économique. Quand on sera prêt, on ira. Mais eux aussi, de leur point de vue, disent que ce serait peut-être pas con d'y aller. On en a quelques-unes et puis il en manque. Donc, dès qu'on est prêt, on y va.
Toujours avec ce système de porte ouverte pour des collaborations ?
Loïc Lantoine : Oui, parce que de toute façon on le fait sur scène et donc c'est un plaisir de le faire sur disque aussi. C'est un vrai plaisir pour nous. C'est des bons moments. Du coup, on est posé et ça permet de voir un défilé de chouettes personnes qui viennent faire les zouaves avec nous. Ca nous remet en alerte. On essaie d'être toujours un peu sur le fil, de ne pas trop s'enfermer, ce qui fait qu'à chaque fois qu'il y a des nouvelles propositions et des nouvelles sensibilités qui se frottent un peu à nous, et bien, ça nous met plein d'envie. Ça nous fait voyager autrement. Puis on se marre bien pour tout dire.
Sans une grosse communication des médias, vous avez fidélisé le public par vos concerts. Ce soir, vous jouez à Sarzeau, qui n'est pas une grosse ville comme Rennes ou Vannes. C'est important cette proximité et cette volonté de jouer un peu partout ?
Loïc Lantoine : Et d'essayer de varier les endroits et les publics aussi. De ne pas être systématiquement dans le même type de salles. On a quand même démarré en passant le chapeau dans les bistrots et c'est des endroits qu'on aime beaucoup. Et on essaie encore un petit peu maintenant entre deux dates de continuer à faire des endroits comme ça, un peu différents. Sur la tournée, c'est des salles qui sont très confortables avec un certain type de public mais on essaie quand même de voir d'autres choses.
En bistrot, le public n'est pas toujours acquis et là il faut batailler un peu, déjà pour se faire entendre.
Loïc Lantoine : On a démarré comme ça et c'est un vrai plaisir effectivement d'aller chercher des gens qui n'ont pas payé une place pour venir nous voir. Au bistrot quand on joue, au niveau acoustique, il faut quasiment que je gueule. François lui, il doit y aller piano avec sa contrebasse. C'est différent mais avoir les gens là en face de soi, c'est vachement agréable.
François Pierron : Moi, je me referais bien une tournée de bistrots. En ce moment, j'ai envie de faire les bistrots en Belgique, Bruxelles tout ça… On n'a jamais été jouer là-bas.
On parlait de rencontres tout à l'heure. Il y a des grands noms de la musique qui jouent sur Badaboum. Je pense à Jean Corti qui vient avec son accordéon magique sur la chanson "Manneken Pis". C'est une rencontre qui s'est faite via les Têtes Raides et Mon Slip ?
Loïc Lantoine : Non, c'est l'inverse. C'est par l'intermédiaire de Jean qu'on a rencontré les Têtes Raides. Lui je l'ai croisé avec un copain dans un bistrot à Paris et il avait son biniou (accordéon) et le copain- qui a des tendances un peu d'entremetteur- a dit : "Ah, faites un truc ensemble". Comme il dégaine rapidement le père Corti, on s'est amusé tous les deux, comme ça directement, un dimanche après-midi autour d'une table après un repas. On s'est amusé quoi. Comme il sortait son disque (Couka) chez Mon Slip, il m'avait invité à jouer avec lui pour la sortie du disque. C'est là qu'on a rencontré Christian (Christian Ollivier, chanteur des Têtes Raides) qui a rappelé pour demander : "Qu'est-ce qu'on peut faire pour vous ?". Et voilà, on a fait un disque…
Mais effectivement, Jean était sur le disque et c'était important parce que dans cette histoire là, il a une place importante. Et puis non seulement c'est un grand musicien mais humainement c'est quelqu'un de vraiment riche. Il est drôle, il a la patate. On peut le regarder comme un monument historique. C'est lui qui a composé "les Bourgeois", "Madeleine", "les Vieux » (de Jacques Brel), c'est pas rien. Mais à côté de cela, le mec, il fait des rencontres et il est toujours prêt. Ouais, c'est un super bonhomme.
Loïc, tu participes notamment au collectif Mon côté Punk. C'est important de mener des projets parallèles, d'avoir des sortes de bulles d'air ?
François Pierron : Pour l'instant, j'ai envie de faire du nouveau et qu'on s'attaque à notre deuxième disque. Des bulles d'air, ben y'en a pas mal quand même. C'est ce que disait Loïc. Il y a une belle solidarité, une belle amitié entre pleins de copains musiciens et chanteurs qu'on n'arrête pas de croiser. Effectivement, on arrête pas de s'encascader, comme dit Loïc. On se voit l'après-midi et puis on se ménage des espaces de liberté, on fait du ping-pong, des fois des chansons à eux aussi qui viennent dans le spectacle. Moi, je suis toujours en appétit et je me régale. Après, j'aimerais bien faire plein d'autres choses mais on ne peut pas tout faire. Moi, si j'ai pas une soirée pizza-télé une fois de temps en temps, je pète les plombs.
Loïc Lantoine : On se sent proche des gens plutôt dans leur façon de se comporter dans le boulot plutôt que par rapport à ce qu'ils font artistiquement. Et comme on fait un truc qui de toute façon… Ouais, on fait pas trop pareil que… Enfin, on ne connaît pas des gens qui font pareil que nous, donc ça va. On a cette chance nous d'avoir ce petit truc à côté, donc c'est un peu étonnant ce qu'on fait. Du coup, ça ne ressemble pas aux collègues, ce qui ne nous empêche pas de se rapprocher d'eux pour pleins de raisons.
François Pierron : Peut-être qu'ils font tous des trucs étonnants sauf nous en fait.
Loïc Lantoine : Ouais, ça doit être ça.
Le passage de la scène à l'album, c'était délicat ?
Loïc Lantoine : Ben pour moi, c'était une découverte. Il a fallu apprendre. Au début, il faut se faire violence. On est devant un micro à répéter plusieurs fois le même truc. Il a fallu mettre du plaisir là-dedans, ce qui n'était pas évident pour moi. On a eu le besoin de faire un objet qui n'était pas le reflet de ce qu'on faisait sur scène, mais d'apprendre à faire un disque qui est fait pour être écouté et réécouté. Et puis c'est pas la même chose, c'est vrai qu'un concert, une fois qu'on a fini, si on a tapé à côté à un moment, c'est pas grave, il est fini. Un disque, ça reste. On a eu cette chance d'avoir du confort pour le faire et d'être sorti de là ravi d'avoir appris à faire ça, de l'avoir fait… Et puis, on l'aime bien ce disque.
François Pierron : On est vachement content ouais…
Ca change du syndrome de l'artiste qui n'a qu'une hâte, c'est de passer à l'album suivant.
Loïc Lantoine : Ca dépend des conditions. Nous pour un premier album, on a eu trois semaines de prises, ce qui est vachement bien. Moi, je n'imaginais pas avant de le faire que ça pourrait vraiment se faire. J'étais parti dans l'idée qu'on allait en faire un, pour laisser un témoignage aux gens qui le réclamaient. Mais pas de développer un truc qui nous ferait connaître en dehors de la scène. Et puis, il se trouve que si, ça fonctionne comme ça quand même. On en est ravi.
Pour finir, un p'tit mot sur le prochain album.
Loïc Lantoine : Il manque de la matière encore et cette matière on aura besoin de la travailler. Il faut donc écrire la totalité de l'album voire un peu plus et puis après les jouer quand même pour qu'on les ait bien, qu'on soit à l'aise avec.
Pour vous les répétitions, c'est les concerts ?
Loïc Lantoine : Ouais, voilà. C'est ça.
François Pierron : Sur le premier disque finalement les deux tiers des musiques ont changé sur place. On avait envie de fraîcheur et puis c'est autre chose, c'est un autre outil. Mais n'empêche que même si tu changes la musique, si tu changes tout ça, il y a une maturité du propos. Tu sais où tu as envie d'aller et tu sais comment tu as envie d'être surpris.
Un grand merci à Loïc et François pour leur gentillesse
Merci aussi à Boris, leur "manager de moins de 50 ans".