Loïc Lantoine : « J’ai toujours forcément des petites bêtises en tête »
par Michel Kemper le 13 décembre 2011.
Le nouvel album de Loïc Lantoine était semble-t-il prévu pour cet automne : il faudra attendre 2012 pour le savourer. L’entretien qui suit remonte à début avril 2011, lors du festival « Des chansons, pas des poissons ! » d’Annonay, en Ardèche. La version intégrale a été alors publiée dans le webzine Le Thou’Chant.
Résumons : au début c’était de la « chanson pas chantée », ça a un peu changé…
Oui, forcément… De toute façon, on s’est fait piégés nous-mêmes parce que c’est une blague cette histoire de « chanson pas chantée » : c’était de la chanson, comment dire… bricolée ! On s’est amusés avec ça, à poser des mots sur une esthétique, et on s’est fait un peu dépassés par le truc. On croyait maîtriser alors qu’on ne maîtrisait rien du tout. On faisait avec les moyens du bord. Quand on a enregistré le premier album, on s’est amusé à dire ça, cette « chanson pas chantée », mais c’est pas un étendard et si, aujourd’hui, j’ai la possibilité de ne pas me faire jeter des cailloux par les gens quand je chante un peu plus, c’est que le temps a passé, que j’ai appris mon boulot. J’ai toujours eu envie d’aller vers ça. C’est bizarre. J’étais peut-être trop amoureux des chanteurs avant de faire chanteur pour pas avoir ce sentiment d’être rentré dedans à coups de boules. C’est pas un hold-up, cette histoire-là ; au bout de douze ans, on ne peut plus parler de bluff, mais y’a toujours ce petit truc où je ne suis pas bien sûr de moi.
Hier, durant le spectacle, peut-être parce que c’était la deuxième ou troisième chanson qui se situait dans un bar, je t’ai vraiment vu là au croisement de Couté, de Dimey et de Leprest…
Ce ne sont que des belles références, alors je ne sais pas quoi dire… Tu sais bien, on a des références communes. Ce sont des références fortes. Dimey c’est ma découverte de la chanson, dans un petit bistrot à Wasem, à Lille, avec des gens qui animent des bistrots et m’ont fait découvrir la chanson. Gaston Couté, lui, c’est important pour moi, parce que Gérard Pierron, le père de François et repreneur de Couté, c’est aussi lui qui a mis le pied à l’étrier d’Allain Leprest, qui est pour moi la référence ultime. Allain, c’est le mec qui m’a poussé à faire ce boulot-là, alors que je faisais le zouave.
Tu écris comment, toi ?
Maintenant, de plus en plus, j’écris quand il faut. Quand on est un peu fatigué des chansons qu’on a, on s’y remet, avec grand plaisir. Mais je ne suis pas du genre à me soulager par l’écriture. J’ai eu un grand plaisir d’écriture au tout début, quand j’ai découvert ce truc-là, mais mon métier je le situe avec la musique et sur scène, vraiment dans le spectacle. Quand il faut je m’y remets ! A ce moment-là, j’ai toujours forcément des petites bêtises en tête, et les copains des petites musiques en partance. Et pis on fracasse un peu tout ça. Le seul truc qui est sûr, c’est que c’est toujours guidé par l’émotion. Ce ne sont pas les thèmes qui m’intéressent le plus : avant de démarrer une séance d’écriture, je suis guidé par une émotion. Je ne sais pas ce qu’elle veut dire. Pour moi il faut qu’elle soit intacte, une fois qu’il y a un point final à ça. Peu importe ce qu’elle raconte. L’idée, c’est qu’une fois que je relie le papier, l’émotion qui m’a guidé là est toujours là. Si je la retrouve, je présente aux copains et on en fait quelque chose. C’est un thermomètre pour voir si c’est digne d’être présenté aux gens qui viennent nous voir, il faut, avant de le mettre encore plus en chantier, que cette émotion soit toujours là.
Comment as-tu vu évoluer la chanson, depuis 12 ans que tu y es ?
J’y suis arrivé dans une période assez favorable. La chanson des années 80 c’était quand même pas franchement… on était ringardisé ! On est arrivé dans les années 90 avec un goût des jeunes pour la chanson. On a démarré, on était une bande zouave ; on s’est tenu ensemble, on s’est filé des plans, y’avait une putain de vraie solidarité avec des gens qui se lançaient là-dedans ! On a bien rigolé. Aujourd’hui j’ai parfois l’impression que y’a d’la resucée sur ce qui a pu se passer il y a quinze ans : rien que d’entendre le nombre de gens qui ressentent la nécessité d’aller sur le rock’n’roll ou de revenir à l’anglais… Peut-être en a-t’on fatigué certains, je ne sais pas, en tous cas chez les jeunes. C’est cyclique ça, il y a peut-être des moments plus faciles que d’autres… Je pense que j’ai commencé à un moment où c’était plus facile. Je recommencerais aujourd’hui que je ferais comme avant, sauf que personne comprendrait, ça s’rait rigolo.