Vous n'arrivez pas à arrêter la clope ? Vous cherchez une drogue pour calmer vos angoisses ? Mettez-vous au Lantoine. Effet radical garanti.
 
Quelques secondes suffisent pour avoir les neurones allégés, le cœur emballé et les tripes secouées. Et si vous cherchez le grand frisson, consommez-le sur scène. Il entame la tournée de son dernier album, Tout est calme. Le deuxième de sa toute jeune carrière, mais le voilà déjà qui remplit les salles et enchante les critiques.
 
Loïc Lantoine est né il y a un peu plus de trente ans à Wazemmes, un quartier populaire de Lille. Il a grandi pas très loin, à Armentières, connue pour sa devise " Pauvre mais fière " et sa très ancienne fête des Nieulles, ces petits gâteaux ronds que l'on jette du haut du beffroi après le défilé et l'élection de la reine du jour.
 
Son père a passé toute sa vie à l'usine Unilever d'Haubourdin, ville voisine, jusqu'aux licenciements massifs de 2001.
 
" J'ai vécu la fermeture de l'usine de l'intérieur. Mon père y a travaillé toute sa vie et a fini cadre. Avant de prendre sa préretraite, il a dû organiser en partie les licenciements. Ce fut un moment très difficile, il connaissait certains ouvriers depuis plus de trente ans. "
 
Sa mère, elle, travaillait à La Poste. Comme elle a eu trois enfants, elle a pu prendre une retraite très anticipée. Longtemps, le jeune Loïc ne s'est pas soucié de grand-chose. " J'étais un gamin branleur et insouciant, pas vraiment ouvert au monde. Je ne me posais pas de questions, je voulais juste avoir un boulot peinard. "
 
USINE
 
A 16 ans, pour se faire de l'argent de poche, il bosse un peu à l'usine. Où il ira de façon plus assidue quelques années plus tard, après avoir abandonné les études.
 
" J'ai bossé en intérim dans des boîtes qui fabriquaient toutes sortes de produits : lessive, mayonnaise, café, cintres. Quand on me demande parfois si j'ai galéré pour mes premiers concerts, à faire tourner le chapeau dans des bistrots, je réponds que la vraie galère, je l'avais connue avant, à l'usine. En comparaison, la vie que je mène maintenant, je la prends comme un cadeau, une parenthèse de plaisirs qui se refermera peut-être un jour et dont je veux profiter au maximum. "
 
Pas de réalisme ouvriériste dans les textes de Loïc Lantoine, mais des mots attrapés au vol de ses rencontres et projetés au public pour ne pas laisser dans l'ombre des vies d'efforts et de grisaille. " Quand je recompte mes défauts et les jours où je siffle faux / quand j'me sens suant, sale et seul / avec la gueule de traviole / y'a toujours min copain Pierrot / qui pose une main en haut d'min dos / et qui me dit, dans un sourire... " (Pierrot, sublime chanson à planquer direct dans votre coffre à trésor).
 
Parfois, les galériens redressent l'échine et engagent la lutte pour oublier la routine, les courbatures et les regards de haut.
 
C'est à ce ressort vital que le mécano Lantoine s'intéresse plus que tout (sauf les filles et peut-être aussi les coups dans les troquets), c'est là qu'il cherche à glisser quelques gouttes d'huile dans les rouages. " On s'laissera pas faire... fiers / On fait dans le respect... eh / Tu peux pas dans l'pouvoir, voir / ce que l'on construit... fruits / Faire de nos tempêtes... fêtes / nous les p'tits salauds... beaux / dans nos petites vies " (Ta tête au carré).
 
Se relever, c'est bien, se regrouper, c'est mieux. Loïc Lantoine chante le lien, la fraternité, les mains serrées... tout ce que vous voulez, sauf le repli, l'isolement. " Les amis ce soir on met les bouts, on l'a juré cent fois / j'ai la marche d'un roi si je marche avec vous / j'ai le rire d'un fou quand on marie nos voix / je suis fier de moi quand j'ai besoin de nous " (Bréhal).
 
CASCADES
 
La voix de ses camarades chanteurs, Loïc Lantoine l'aura écoutée, lui, assez tard. Dans ce milieu-là, monsieur, on ne va pas au spectacle. " Je faisais partie de ces gens complexés pour qui la culture était inaccessible. Ce n'était pas notre monde. "
 
S'il a changé de monde, sa mémoire reste intacte. En parallèle aux tournées officielles, il organise ce qu'il appelle les " petites cascades ", des concerts donnés dans des bars, comités d'entreprise, prisons, hôpitaux psychiatriques.
 
" Avoir le public des abonnés de Télérama, c'est bien, mais quand je vais voir ces personnes qui ne vont jamais au concert, j'ai vraiment le trac. Et quand j'y retourne, on se retrouve comme d'anciens combattants, on se tape sur l'épaule. J'ai besoin de ce public, de ces lieux. "
 
C'est en animant une émission de radio avec un copain, à Lille, qu'il découvre des chanteurs décisifs. " Les années 80, c'était le sommet de la ringardise en chanson française. Alors, j'écoutais plutôt les Ricains : Springsteen, Cohen... "
 
FAMILLE
 
Heureusement, les années 80 ne furent pas éternelles. Une vague de fantassins au cœur léger et au verbe haut vint rompre la digue de médiocrité : Fabulous Troubadours, Mano Solo, Juliette...
 
Loïc Lantoine se découvre une famille. Avec, dans le rôle de l'oncle préféré, Allain Leprest. Il l'écoute, le rencontre, ils s'écoutent, se rencontrent à nouveau et écrivent ensemble des textes pour d'autres chanteurs.
 
Tout ira ensuite assez vite. Venu à Paris présenter deux-trois textes (avant les chanteurs, ses mots préférés étaient ceux des poètes : Norge, Supervielle, Michaux, Prévert...), il y reste sept ans, avant de retourner vivre à Wazemmes.
 
Sa route croise celle de François Pierron, un jeune type qui se promène avec une contrebasse. Pour le coup, nous avons affaire à une vraie rencontre artistique. Les cordes s'unissent pour des tours de grands frissons, les fracas de mots viennent s'amortir sur le tapis rouge de mélodies tissées à la main.
 
Il n'aura fallu que quelques mois de concerts, des vadrouilles de saltimbanques avec nuits au bistrot, à la plage ou chez l'habitant, pour que le duo s'impose.
 
Un premier album, Badaboum, vendu à 20 000 exemplaires, une rumeur porteuse qui ouvre des salles de plus en plus grandes, des producteurs de choix – le groupe des Têtes Raides. La belle vie.
 
Tout est bon...
 
Le premier album de Loïc Lantoine porte bien son nom : Badaboum. En quatorze chansons, il impose sa voix rauque et ses textes inspirés, sa griffe sociale dénuée de tout misérabilisme (" Je dois être un des rares communistes de la salle ", s'amusait-il à balancer récemment à une salle de trentenaires parisiens branchés) et son humour, sans oublier les grands sentiments, l'amour impossible. Avec Tout est calme, on retrouve cette alchimie magnifique réalisée avec le contrebassiste François Pierron. La plupart des chansons sont des créations originales. A noter, la réjouissante reprise de Quand les cigares, écrite par Roland Bacri et popularisée par la star nordique Raoul de Godewarsvelde.
 
Tout est calme Loïc Lantoine 1 CD, Mon Slip [C'est le véritable nom de la boîte de production, et non une blague de potache de votre hebdomadaire préféré, NDLR].


















































































 



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