« Aujourd’hui, quand on veut la lune, on n’est pas poète :
on est cosmonaute » (photo d’archives Eric-Ségelle)


Loïc Lantoine, 1er juin, Le Fil à Saint-Etienne,
 
Il nous est apparu il y a pile dix ans, en ce même festival. Il faisait, disait-il alors, de la « chanson pas chantée », avec son complice François Pierron à la contrebasse. Dix ans après, il fait de la « chanson chantée » : au bout du compte, c’est pareil. Pierron n’est plus tout seul à se défoncer. Il y a Fil, un ex de La Tordue, à la guitare. Et Thomas Fiancette, un allumé à la batterie. Et pis Joseph Doherty, à qui les quatre dieux des musiciens (Pan, Amphion, Musaeus et Marsyas) ont donné tous les dons, tous les instruments.
 
Pour photographier par la plume un tel concert, pour bien dire et écrire Lantoine, il faudrait d’autres termes, réinventer le dictionnaire, tournebouler les mots, les culbuter de telle façon qu’ils nous décriraient des choses qui n’existent même pas. Ou alors que par lui, que pour lui. Lantoine est non un ovni, mais un cosmonaute. En suspension (« Je suis pas funambule, je brave pas la mort ») quelque part dans l’espace-temps. En connexion, en compassion avec nos temps à nous : « M’sieurs dames, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelles / La bonne c’est qu’il pleut pas dehors / La mauvaise c’est que je ferme. » Lantoine, tous soubresauts, comme secoué par ses propres mots, ses audaces, ses spasmes mêmes, quand ses vers cherchant à se frayer un chemin, fussent par les pores de sa peau. Il fait le zouave dans tous les ponts d’l’Alma, il fait Badaboum : « C’est ça la vie ? / Ben ça résonne ! » Lantoine, c’est ça. Et sa gestuelle qu’il emprunte aux grands comiques et ne leur rend pas, ses gimmick, ses fausses manies. Comme ces gags du pitre au pupitre, qui nous font même oublier qu’il en a un, qu’il en a souvent besoin. J’ai changé nous dit-il mais c’est pas sûr. Sauf que son art accidentel, né jadis d’un hasard, traverse le temps… Mais « Le temps passe et le Maneken pisse » alors… Il nous fait le coup du rêveur et c’en est un : son copain Pierrot est un total chef d’œuvre ! Bon, ses extraterrestres et leurs flatulences sont moins réussis mais il n’est pas dit que tout est bon dans l’Antoine. Mais quand même, quand il reprend A la claire fontaine, on est là, pantois, à suivre ses mots autant que l’archet de Doherty qui vient encore de changer d’instrument. Loïc Lantoine est tout et son contraire, il est doué et fait mine de pas le savoir : c’est de l’art autant que de la politesse. Il y peut rien, c’est son côté punk.

 
En vidéo, encore « Pierrot » mais c’est vrai qu’on ne s’en lasse pas !


















































 



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