"Jules Supervielle, c'est le cristal, La folie et l'audace, c'est Henri Michaux, et le coeur, c'est un poète belge qui s'appelle Norge" (Loïc Lantoine)
Jules Supervielle (16 janvier 1884 - 17 mai 1960) était un poète et écrivain franco-uruguayen. Il est mort à l'âge de 76 ans.
Jules Supervielle s'est toujours tenu à l'écart des Surréalistes qui régnaient sur la première moitié du xxe siècle (rappelons que le Manifeste d’André Breton date de 1924). Désireux de proposer une poésie plus humaine et de renouer avec le monde, il rejetait l'écriture automatique et la dictature de l'inconscient, sans pour autant renier les acquis de la poésie moderne depuis Baudelaire, Rimbaud et Apollinaire, ainsi que certaines innovations fondamentales du surréalisme.
Attentif à l'univers qui l'entourait comme aux fantômes de son monde intérieur, il a été l'un des premiers à préconiser cette vigilance, ce contrôle que les générations suivantes, s'éloignant du mouvement surréaliste, ont mis à l'honneur. Il a anticipé les mouvements des années 1945-50, dominés par les puissantes personnalités de René Char, Henri Michaux, Saint-John Perse ou Francis Ponge, puis - après la parenthèse avant-gardiste des années 1960-70 - ceux des poètes désireux de créer un nouveau lyrisme et d'introduire une certaine forme de sacré ou, tout au moins, une approche plus modeste des mystères de l'univers, sans remise en cause radicale du langage : Yves Bonnefoy, Edmond Jabès, Jacques Dupin, Eugène Guillevic, Jean Grosjean, André Frénaud, André du Bouchet, Jean Follain, pour ne citer qu'eux.
Ses admirateurs ou successeurs spirituels se nomment René Guy Cadou, Alain Bosquet, Lionel Ray, Claude Roy, Philippe Jaccottet ou encore Jacques Réda…
mars avril 2011
La rencontre entre le chanteur-auteur Loïc Lantoine et une classe de 1re littéraire du lycée Jules-Supervielle a rapidement tourné à un cours rock'n'roll sur le poète oloronais, avant un extrait en musique. © Sébastien Lamarque
Lors d'une de ses visites précédentes à Oloron, Loïc Lantoine s'était rendu sur la tombe de Jules Supervielle. « J'en étais fort ému », lâche l'auteur-compositeur, grand amateur du poète oloronais. Face à une classe du lycée Jules-Supervielle, une poignée d'heures avant son concert à Jéliote, le poète punk des « chansons pas chantées » a livré un échange tour à tour drôle et touchant.
Lorsqu'il veut savoir si les élèves ont travaillé sur des textes du poète qui a donné son nom à leur lycée, il s'étonne à peine qu'un seul poème, La Sphère, ait été « décortiqué ». Sans laisser visiblement de grand souvenir aux lycéens. « Ah bon, ce n'est pas parce que vous êtes à Oloron que ça cartonne, Supervielle ! »
Il concède que lui non plus n'a pas forcément apprécié ce qu'on lui faisait lire en classe. C'est venu plus tard. « À l'école, j'avais le sentiment que la créativité dans l'écriture, c'était l'affaire de gens qui ne sont pas comme nous, des génies. C'est complexant, la poésie. Au début, je me disais : faut comprendre. Ce n'est pas la bonne clef. Il faut se laisser aller. »
L'écriture limpide de Supervielle
Le nordiste se retrouve à plaider pour le poète oloronais, face aux élèves. Il leur parle de son « écriture limpide » : « C'est du cristal, d'une pureté rare. Je me suis laissé embarquer là-dedans. » Pour achever de les convaincre, il livrera une version musicale de La Sphère, accompagné à la contrebasse par son complice François Pierron.
La Sphère, c'est le coeur du poète qui voyage à travers la planète, s'émerveillant sans cesse. « Vous comprenez ce qui nous a touchés, interroge Loïc. Le mec, il trouve ça tellement beau que ça lui met une patate infernale. »
« Moi je ne sais même pas tout ce que ça raconte et je m'en fous, reprend Loïc. Mais ça m'a touché. On sent tellement qu'il participe à un truc énorme. Il vivait entre Oloron et l'Uruguay, et il écrivait pendant la traversée de l'Atlantique. Il prend conscience d'une partie de la courbure de la planète, de son énormité. Il n'y avait pas beaucoup de gens qui voyageaient comme ça, à l'époque. Personne de ma famille n'avait vu la mer, alors qu'ils habitaient à 80 bornes. »
Le voyage s'achève, avant une nouvelle belle rencontre, avec des jeunes d'Oloron Prévention qui vont interviewer Loïc Lantoine pour Radio Oloron (*). Il en restera sans doute pour les lycéens, au-delà des silences ou des éclats de rire, un petit moment de poésie.
* : transcription écrite de l'interview La Sphère
Jules Supervielle (1884 - 1960)
Roulé dans tes senteurs, belle terre tourneuse,
Je suis enveloppé d'émigrants souvenirs,
Et mon cœur délivré des attaches peureuses
Se propage, gorgé d'aise et de devenir.
Sous l'émerveillement des sources et des grottes
Je me fais un printemps de villes et de monts
Et je passe de l'alouette au goémon,
Comme sur une flûte on va de note en note.
J'azure , fluvial, les gazons de mes jours,
Je narre le neigeux leurre de la Montagne
Aux collines venant à mes pieds de velours
Tandis que les hameaux dévalent des campagnes
Et comme un éclatant abrégé des saisons,
Mon cœur découvre en soi tropiques et banquises
Voyageant d'île en cap et de port en surprise
Il démêle un intime écheveau d'horizons