Entretien avec Allain Leprest (1999)
JE CHANTE ! C’est plus la chanson que la poésie qui t’a inspiré à tes débuts...
ALLAIN LEPREST Oui, dans la mesure où je ne savais pas qu’on pouvait faire un tel bricolage entre la musique et le texte, j’écrivais effectivement des textes à lire. Je me suis vite aperçu de mes limites dans ce domaine et j’ai constaté que la poésie et la musique ne marchaient pas du même pas d’amble, comme on pourrait le penser... La poésie est quelque chose qui se regarde davantage, qui exige plus de silence. La chanson est beaucoup plus immédiate, elle frappe davantage dans le quotidien, elle exige moins de recul. Quand l’auditeur laisse échapper les premières paroles d’une chanson qui lui semblent un peu obscures, il s’en évade très vite et aura du mal à en saisir la chute et à comprendre cette petite histoire... Je ne veux pas dire par là que les chansonniers sont de mauvais poètes. J’ai été marqué par une réflexion d’Yvan Dautin qui disait qu’écrire une chanson, c’était comme courir un cent mètres et écrire un roman, c’était courir un cinq mille mètres... On n’est pas forcément bon dans les deux. Ce sont des courses différentes, de même qu’il existe la nouvelle, la fable, le roman, le journalisme, tout ce qui fait que l’écriture est aussi riche et multiformes. La chanson est un art à part, mais je ne me considère pas comme un poète, même si j’utilise des images.
Tu as souvent dit que tu croyais beaucoup aux bienfaits de l’école...
Je crois en la culture, je crois en l’apprentissage, je crois aux armes que cela peut donner. On ne peut pas résister sans un minimum de savoir qui peut, d’ailleurs, être tout à fait empirique, qui peut s’apprendre dans la rue ou au contact des autres. Il y a aussi de très mauvaises écoles. Pour ma part, j’ai toujours rencontré d’excellents professeurs ou instituteurs qui m’ont donné confiance dans ce que j’écrivais. J’ai le souvenir d’un instituteur qui s’appelait monsieur Fleury. Je me le rappelle, assis sur le bureau en train de nous raconter Le vieil homme et la mer, d’Hemingway. On avait tous l’impression qu’il était là, la canne à pêche à la main et qu’il tirait dessus comme un mordu... Pour peu qu’il y ait un zozo dans la classe qui faisait le moindre petit bruit ou qui bavardait, il refermait son livre d’un geste sec : « Finie, la lecture, aujourd’hui. » On lui en voulait au copain... !
Étais-tu bon élève ou est-ce que tu avais plein de « zéros milliardaires », comme tu le dis dans une chanson ?
Je n’aime pas les gens qui, ayant tant soit peu réussi dans leur métier, se targuent d’avoir été des cancres... Je trouve que c’est une conduite assez déraisonnable qui peut laisser à penser aux jeunes de maintenant que, pour avoir des ronds plein les poches, ce n’est finalement pas la peine de se faire chier à l’école... Non, je crois que je n’étais pas un mauvais élève, mais par contre, j’étais un peu distrait. J’ai quand même réussi l’exploit, à l’âge de treize ans, de passer le dernier certificat d’étude qui existait en France et de décrocher le premier prix du canton... au grand bonheur de mes parents, qui n’y ont d’ailleurs jamais cru, et qui doivent continuer de croire que j’avais pioché sur la copie de mon voisin.
Est-il vrai que tu adores les mathématiques ?
Exact. Je les observe de loin avec la conviction qu’elles renferment en elles plus de poésie qu’on peut l’imaginer et beaucoup plus de réflexions philosophiques qu’on veut bien le croire... J’ai beaucoup d’amis qui sont passionnés par la physique ou les mathématiques et je ne trouve pas que ce sont des matières rébarbatives. Elles sont remplies de rêves. C’est un façon de regarder le ciel d’une autre manière que les poètes ne le font, sans aucun doute, mais elles se rejoignent, probablement. C’est effectivement un regret pour moi de ne pas en savoir plus dans ce domaine...
Mais la vie est très longue et j’ai un rêve secret que j’aurais dû mener à bien cette année : passer mon baccalauréat ! C’est une sorte de pari que je me suis fixé, de me ramener face à mes vieux parents, en leur disant : « Tiens, votre fils, ce vieux con de 45 ans, eh bien il a eu son bac ! » C’est aussi une manière de dire qu’il n’y a pas de limite d’âge pour acquérir la connaissance. Ce n’est pas le diplôme qui est important, c’est le fait de pouvoir « prouver » aux autres et de se remettre toujours sur la sellette.
C’était comment, la vie d’adolescent en province ?
C’était curieux... Je fais partie de la génération de 1954 qui a vu, dans cette ville de Mont-Saint-Aignan, l’exacte séparation entre le monde rural et le monde citadin... Jusqu’à l’âge de dix ans, j’ai vu autour de moi des vaches, des ânes, des poulets, des oies et, en l’espace de cinq ans, ça a été le grand chambardement. On a construit une faculté des Lettres et Mont-Saint-Aignan est devenue une cité dortoir... Maintenant, ce sont les étudiants qui broutent !
Tu avais une bande de copains ?
Oui et je leur suis resté très fidèle. À chaque fois que je vais à Mont-Saint-Aignan voir mes parents, je revois tous les copains que j’avais à l’époque où je passais mon CAP de peintre en bâtiment. On avait tous dix-sept ans quand on s’est connus et c’est toujours une joie de les revoir ! J’y tiens beaucoup, parce que ce sont un peu mes racines. On m’a souvent reproché d’être un peu nostalgique dans mes chansons, mais je pense qu’on ne peut bien parler d’une chose que quand elle est éloignée de soi. Si je parle de moi quand j’étais gosse, ce n’est plus moi, c’est un petit objet qui est terminé. Je peux me permettre de me retourner et de le regarder mais, grosso modo, sa vie est close à celui-là. Je me vois mal écrire une chanson d’actualité, parce que je pense qu’on peut très facilement se tromper.
Lorsque la Yougoslavie s’est éclatée il y a quelques années, j’avais des amis qui prenaient fait et cause pour les Croates, dans des chansons rapidement écrites, parce que les Serbes pilonnaient les Croates, et d’autres, quelques jours plus tard, quand les Croates chassaient les Serbes de Croatie, qui écrivaient des chansons contre les Croates... Avec le recul, on s’aperçoit que c’est peut-être bien aux journalistes de se charger de la chose, ou aux historiens, mais certainement pas à la chanson. Quand Ferrat écrit Nuit et brouillard, il a le recul, ce n’est pas une chanson immédiate.
Par rapport à la musique caractéristique de l’époque — yéyé, rock, pop, folk —, est-ce que tu étais en dehors de ces mouvements ou, au contraire, à fond dans les modes du moment ? Tu as été baba cool, par exemple ?
Oui, j’avais les cheveux crêpés, colorés au henné... C’était l’époque de la guerre au Vietnam et de mes premiers engagements politiques... Si je n’aime pas trop la chanson ancrée dans le quotidien, dans le tumulte du monde, je suis, par ailleurs, un citoyen engagé. Mes premières révoltes sont venues de la guerre au Vietnam. Je suivais les mouvements baba cool, peace and love, Angela Davis, etc. De ce point de vue, j’étais un mec normal pour mon époque. Musicalement, j’ai eu un décalage quand j’ai commencé à bosser comme peintre en bâtiment, vers dix-sept ans. Avec mes premiers salaires, j’achetais des disques. Je sacrifiais bien la moitié de ma paye en disques... Mon frangin, qui était un peu plus âgé que moi, écoutait les Beatles, les Rolling Stones et toutes la variété de l’époque et moi, j’ai pris du retard par rapport à ça, uniquement pour l’embêter... Je ne voulais absolument pas acheter ce que mon frangin avait dans sa discothèque. C’était une rivalité d’adolescents. J’achetais la collection Fine fleur de la Chanson Française, avec les premiers disques de Francesca Solleville, Jean Vasca, James Ollivier, Gilles Elbaz...
La plupart des artistes pour lesquelles tu as écrit — Francesca Solleville ou Françoise Kucheida — nous ont dit la même chose : « On ne sait pas très bien comment Allain se débrouille, mais il arrive à faire des textes qui nous collent parfaitement, comme si on les avait écrits nous-mêmes ! » Tu le ressens comment, ça ?
D’abord, j’aime bien écrire pour les femmes. C’est une manière de tirer de soi la part de féminité qui existe chez tout homme. Ma première chanson éditée a été Le pull over, et c’est Juliette Gréco qui l’a enregistrée. Lorsque Francesca Solleville m’a demandé de lui écrire une chanson, j’ai été très ému et j’ai eu le culot de lui dire que je ne lui écrirai sûrement pas une seule chanson mais tout une disque ! J’aime son côté lionne, sa personnalité très forte. Quitte à écrire des chansons, autant le faire pour quelqu’un qui les porte, qui sait façonner les mots.
Nous étions à Antraigues, où nous avons vécu presque côte à côte pendant une dizaine de jours. Je l’observais, j’avais sa voix dans l’oreille, je connaissais son parcours. Elle a écrit aussi ses chansons, en quelque sorte, parce qu’elle m’a beaucoup parlé, elle m’a raconté sa vie. Je n’aurais jamais pu écrire Sarment ou T’as mal où, camarade ?, si je n’avais pas parlé autant avec elle. En fait, j’étais le réceptacle. On dit toujours qu’une chanson est faite par un auteur et un compositeur, mais il ne faut pas oublier le troisième larron qui est l’interprète. Trois mots écrits sur une feuille de papier, ce n’est rien si on ne rassemble pas toute cette chaîne...
À quel moment as-tu décidé de venir à Paris ?
J’ai rencontré Sally à la Fête de l’Humanité, il y a aujourd’hui vingt ans. Nous avons d’abord vécu au Petit-Quevilly. À cette époque, il n’y avait pas encore eu cet éclatement culturel qui permet aujourd’hui aux régions de construire leur réseaux, comme cela s’est passé à Rennes, Toulouse ou Strasbourg. Maintenant, à Rouen, ils sont super équipés, mais il y a vingt ans, il n’y avait rien du tout, il fallait encore monter à Paris. C’est ce que nous avons fait, avec Sally.
C’était l’époque des derniers cabarets. J’ai chanté au Caveau de la Bolée, au Pénitencier, chez Georges... Mais je n’ai jamais réussi à faire le Port du Salut. Je me rappelle que chez Georges, on faisait l’éclairage avec le pied... Il y avait un bouton rouge quand la chanson était gaie et un bouton bleu quand elle était triste... Je travaillais avec l’accordéoniste Bertrand Lemarchand, et on avait toujours le pied droit vigilant ! À chaque chanson suivante, il fallait se demander : « Voyons, celle-ci, elle serait-y plutôt drôle ou plutôt triste ?... Allez, bouton de gauche ! »
Il y avait encore du public dans ces cabarets ?
C’était la fin des cabarets. Il n’y passait pratiquement plus de chanteurs, mais on assistait au début de la grande vogue des humoristes. J’ai commencé au Caveau de la Bolée avec Smaïn. Il y a eu ensuite un vide au niveau des salles de spectacles, lequel est maintenant en train de se combler grâce aux petits lieux. Ils représentent le vivier d’aujourd’hui. Les producteurs et les éditeurs ont perdu presque deux générations de chanteurs car, depuis les quinquagénaires que sont aujourd’hui les Souchon, Jonasz, Lara, Sanson, Le Forestier, il n’y pas eu tellement de renouvellement du personnel. Je pense que les producteurs s’en rendent compte, mais ils ne voient pas qu’il y a des lieux extraordinaires !
Je m’occupe d’un atelier d’écriture à Ivry qui prouve bien qu’il y a une véritable explosion de talents, avec des gens âgés entre vingt et vingt-cinq ans. Malgré tout ce qui existe maintenant, le « métier » a tendance à affirmer qu’il n’y a plus rien aujourd’hui. On a beau leur dire : « Mais, bon Dieu, déplacez-vous, allez voir ! »... S’ils ne renouvellent pas l’eau du bocal, ils vont se retrouver au bord de la falaise, sans rien du tout...
Ils se contentent de « créations artificielles » qui font tourner la machine...
Oui, mais je pense que le public s’en lasse. De plus en plus, les gens s’aperçoivent de la supercherie qui consiste à sortir un titre destiné à bien marcher pendant six mois puis à faire passer à la trappe les artistes qui y ont cru, souvent sans avoir ni formation, ni répertoire... Le public qui se déplace dans les petits lieux nous pose toujours la sempiternelle question : « Pourquoi est-ce qu’on ne vous voit jamais à la télévision ? » Ce à quoi je réponds : « Vous êtes ici et c’est très bien. Vous avez fait le chemin que chacun devrait faire, c’est-à-dire aller dans des endroits qui accueillent la chanson. » Il y a actuellement une très grande richesse et je n’ai jamais été pessimiste sur l’avenir de la chanson. Quand je vois des jeunes qui ont du talent et un répertoire, je leur dis : « Patience, les oreilles accourent ! » Nous avons eu énormément de débats entre les pouvoirs publics, le Ministère de la Culture, les petits lieux et quelques artistes, pour demander certaines choses, notamment en ce qui concerne la mobilité des chanteurs d’une province à l’autre, sans que ça représente un coût trop important pour les lieux. Il y en a quand même quatre ou cinq cents en France qui font véritablement bien leur travail. Quand un chanteur doit faire six cents kilomètres pour se déplacer en province dans petit lieu qui a un budget de trois mille francs, c’est extrêmement difficile, à la fois pour l’un et pour l’autre, de pouvoir vivre de ce joli métier. Il est vrai que l’avènement des radio libres qui, en 1981, contestaient à juste titre le monopole de certaines radio-phares, a viré en eau de boudin, puisqu’elles se sont vite constituées en monopole à leur tour... Il n’existe plus que quelques grands réseaux qui possèdent les radios libres de l’époque. Et pourquoi pas, créer une chaîne de télévision à vocation musicale ? Arte est surtout une chaîne thématique cinématographique. Il est urgent de faire une émission de chansons à une heure de grande écoute.
Que les gens se déplacent de plus en plus dans les spectacles, c’est indéniable, et c’est très bien. Mais, malgré tout, pour vendre des disques, faire connaître les nouveaux artistes, les radios, ça ne serait pas un mal ! Démarrer une carrière uniquement sur les spectacles, ça peut durer longtemps !
Il ne faut pas être dépité à ce niveau-là parce que le public est de plus en plus au rendez-vous. Ce métier se mène sur scène. Le disque, c’est un peu la cerise sur le gâteau. Il permet de fixer un travail, mais je considère qu’un auteur, un interprète ou un musicien n’existent avant tout que sur la scène. Le problème qui se pose aujourd’hui, c’est qu’on lance le disque avant de lancer le spectacle, alors qu’auparavant, c’était l’inverse. Mais je ne veux pas dire que le travail du disque est un travail froid — ça dépend de l’ambiance dans laquelle on le fait. En ce qui me concerne, j’ai toujours eu beaucoup de chance de ce côté-là.
Tu es satisfait de tes disque ?
On n’est jamais vraiment satisfait... Si je devais les enregistrer à nouveau, je chanterais différemment. Pour moi, le travail de studio est un travail un peu clinique. Les grands interprètes enregistrent leurs disques en direct avec les musiciens. Moi, je n’ai pas suffisamment de « bouteille » pour faire ça. On m’a souvent dit que le disque de l’Olympia était l’un des plus abouti. C’est parce que j’avais chanté ces chansons sur scène pendant deux ou trois années, voire davantage.
Quel effet ça t’a fait de chanter à l’Olympia ?
J’avais déjà fait la première partie d’Isabelle Aubret, avec trois ou quatre chansons. Évidemment, c’est extrêmement émouvant. J’aurais peut-être le plaisir de le refaire à la rentrée avec le spectacle que je tourne depuis deux ans. Le nouvel Olympia est aussi beau que l’ancien, avec probablement des moyens techniques supérieurs. Les fameux « fantômes » de l’Olympia sont sans doute moins présents, mais ça reste quand même un lieu très impressionnant. L’Olympia draine un public riche. Je ne veux pas critiquer les publics des autres salles, mais il y a là une sorte de rite d’écoute propre au métier que j’incarne, qui est celui de la chanson française.
Tu penses qu’il y a un public propre à chaque salle ?
Non, je pense que c’est lié à l’histoire même de la salle. Je ne veux pas morceler le public ou le cloisonner dans des genres différents. On peut très bien aimer Édith Piaf et Janis Joplin, le rap et des chanteurs comme Louis Arti, et bien d’autres. L’essentiel est l’émotion ou le choc ressentis.
Il semble, au contraire, d’après les propos des artistes ou de nos lecteurs, que c’est un peu cloisonné d’un genre à l’autre. Les gens qui aiment la chanson à texte semblent avoir un certain mépris pour le genre « variété ». On a l’impression qu’il y a vraiment des chapelles, avec leurs « intégristes »...
C’est vrai, mais j’ai véritablement le sentiment que ça s’estompe. À Ivry-sur-Seine, on a la chance d’avoir un théâtre qui accueille aussi des chanteurs, puisqu’on y a vu Sarcloret, Juliette, Mouron ou Michèle Bernard, dernièrement. Il y a aussi le Tremplin, qui permet aux jeunes de se produire et d’enregistrer des cassettes. Nous avons également l’association Le Pavillon qui propose des premières et des deuxièmes parties dans une ambiance cabaret, le théâtre Alef avec Oscar Castro, l’auteur du Cabaret de la dernière chance avec Pierre Barouh. Il y a divers bars cafés-restaurants qui accueillent les chanteurs. Sans parler des artistes qui viennent s’établir ici.
Ivry, c’est la ville des Forbans, de Jean Ferrat, de Nilda Fernandez... Tout cela cohabite très bien, les publics s’échangent d’une salle à l’autre. La municipalité et les associations ont fait un véritable travail de terrain et ont contribué à l’élaboration de tout ce réseau. Il ne faut pas oublier non plus le Festival du Val de Marne qui attire des milliers de spectateurs et dont le final se passe à Ivry, sous le grand chapiteau. Il y a des villes beaucoup plus riches que la nôtre. Par exemple, lorsque je suis allé chercher mon prix à la Sacem, sur les hauteurs de Neuilly, en voyant toutes les banques aux alentours, je me suis permis de faire remarquer qu’il y avait des villes avec des budgets dix fois moindres qui arrivaient à faire dix fois plus de spectacles que Neuilly, qui est une ville morte, sauf dans les intérieurs feutrés des banques et des restaurants...
Tu as dit, dans une émission d’Alain Poulanges : « Les bistrots sont pour moi des chapelles, elles ont remplacé les maisons de la culture ». Vous parliez aussi des cafés, de l’alcool...
Dans un bistrot, on peut boire aussi de la menthe à l’eau ou du café. J’aime bien boire, mais je ne tiens pas particulièrement à le faire partager aux autres. C’est quelque chose d’un peu naturel. Je fréquente des amis qui aiment bien la convivialité. J’aime bien le bon vin, aussi. Quand je parle des bistrots, je veux surtout évoquer les gens seuls qui ont tendance à y aller, les gens qui ne vont pas très bien, qui recherchent un peu de chaleur. Ça me permet aussi de rencontrer et de me lier d’amitié avec des personnes qui n’auraient pas forcément l’idée de venir frapper à ma porte. Et puis, j’aime bien être assis au coin d’une table et entendre les bruits qui s’entrechoquent, les odeurs caractéristiques...
Ça t’inspire dans tes chansons ?
Oui, souvent, parce qu’on y entend des phrases extraordinaires. Quand on écrit des textes, on est des voleurs de mots. Beaucoup de gens ne s’aperçoivent pas à quel point ils sont l’auteur de pans entiers de chansons... Quand je les restitue sur scène et que j’ai le bonheur d’être applaudi, il m’arrive de penser : « Pauvre idiot, c’est toi qui l’a écrite, celle-là. C’est une idée de toi et je te l’ai piquée ! »