En 1992, les statuts sont déposés et le vendredi 4 mars 1994, un premier cabaret se déroule au restaurant « Le Picardie » à Ivry, partenaire précieux de la première heure et partie prenante enthousiaste de l’expérience devant quarante cinq personnes curieuses puis conquises…
 Nous allons voir que depuis cette soirée mémorable, les cabarets de l’Association nouvellement crée ont fait leur bout de chemin.
 Après des débuts balbutiants mais enthousiastes, ces rendez-vous mensuels étaient plaisants et paralysants à la fois. Pour qui ? Avec qui ? Comment ? …
 A ces questions nous répondions invariablement : pour nous, avec nous, et pour le comment, on verra « sur le tas »…
 Notre décision de plonger en apnée dans l’aventure a été motivée aussi par le manque que nous ressentions de trouver sur place des lieux de convivialité où les artistes, à l’image de ce que nous vivions au Bréau, seraient accueillis comme des amis et avec qui les échanges simples et chaleureux pouvaient s’établir.
 C’était également la période où le fossé creusé par le show-biz entre les pseudo vedettes fabriquées puis surmédiatisées serinant des chansons insipides et la chansons que nous aimions s’était creusé irréversiblement et avait fait franchir à un grand nombre d’entre nous le seuil de saturation supportable.
 Il faut également préciser qu’à Ivry et dans le Val-de-Marne, les chanteurs (et -teuses) ont toujours été accueillis avec respect et la chanson reconnue comme partie prenante d’une culture populaire protégée (Jean Ferrat habitait à Ivry avec Christine Sèvres ; Francesca Solleville y a séjourné. Brel, Brassens, Réggiani, Lemarque, Amont, mais aussi Dutronc (père), Aufray, et les précédents étaient programmés. Les Relais de la Chanson y organisaient leur demi-finale. Notre ancien Maire et son premier Adjoint ont participé à une de ces finales à l’Olympia.).
 Nous ne partions donc pas tout-à-fait de rien, un public potentiel existait sur place (ou juste à côté). Il fallait juste aller le chercher et le convaincre…
 Il nous semblait aussi que cette expérience était « partageable »… En effet, le théâtre Antoine Vitez imposait depuis quelques années l’expérience des premières résidences-chansons, la présence influente d’Allain Leprest dans notre ville et son engagement de tous les instants dans nos débuts balbutiants (il en était l’initiateur et le parrain), et la volonté active de la municipalité de soutenir cet aspect évident de la culture populaire nous ont grandement conforté dans notre décision et encouragé à « passer à l’acte ».

 

Notre choix s’est porté sur un restaurant, ancienne guinguette, d’une capacité d’une centaine de places (serrées), et pas très éloigné des accès en transports et surtout dont les patrons étaient des gens ouverts et curieux : « Le Picardie ».
 Mais au contraire du restaurant, installé depuis de nombreuses années et bien connu des Ivryens, nous n’avions aucune expérience pour gérer cette association ni pour y organiser des spectacles.
 Nous avons découvert ces choses en les faisant, à notre façon, sans références, avec insouciance mais sérieusement. L’idée de recevoir régulièrement les artistes que nous aimions et l’envie de faire partager ce plaisir à un grand nombre de spectateurs a été notre moteur.
 A cette époque, nous n’avons à aucun moment eu l’idée de demander de subventions, seulement l’envie de nous prouver que nous pouvions le faire.
 Par la suite, rien n’a changé. Les mêmes motivations, la même indépendance…
« La preuve par neuf »
 Un des buts que nous nous étions fixé était de faire partager au public le plus large le sentiment qu’on l’avait dépossédé de SA chanson en lui faisant croire qu’elle était triste, ringarde, ch…te, ou même qu’elle n’existait plus.
 Nous voulions montrer que la chanson française d’aujourd’hui, malgré les apparences, était bien vivante, créative, inventive, poétique, joyeuse, gaie ou triste, dérangeante, engagée, ludique, et debout !
 A l’image de la vie donc : multiple, riche et contradictoire.
 Nous avons dès l’origine de nos programmations tenté de rendre compte de cette diversité. Dans 95% des cas, le public que nous sollicitions se déplaçait sans connaître (à quelques exceptions près) les artistes programmés. Et comment les auraient-ils connus puisqu’il n’existait plus d’espaces de découverte (ou si peu) dans les média audio-visuels ?
 La curiosité du public restait cependant intacte pour peu qu’on lui propose de la nourrir en programmant des spectacles de qualité, et également qu’on le respecte en pratiquant des tarifs qui soient à sa portée.
 Regagner à la «chanson d’auteur» un public populaire en nourrissant sa curiosité ainsi que l’envie de faire partager ces rendez-vous en des moments de convivialité, c’est ce que nous avons réalisé, au jour le jour, sans véritable expérience, à la force du bras de notre envie. Et ça a marché ! Le public était là, de plus en plus nombreux chaque année, au point que nous avons été amenés fréquemment à doubler nos soirées, organisées le plus souvent le premier vendredi de chaque mois, et que nous devions prolonger le lendemain.
 Certes, ça n’était pas Bercy, mais à l’issue d’une saison, nous avions la satisfaction d’avoir fait partager à plus d’un millier de personnes (978 spectateurs en 1994-95 et 1409 en 1998-99) un peu de notre ferveur.

 

Fiers de cette réussite, l’idée que cette expérience pouvait être reproduite nous a mobilisés au point qu’Allain Leprest a lancé l’idée d’en faire «La preuve par neuf». Tenter la même aventure dans neuf villes du Val-de-Marne !
 C’était prématuré et trop gros pour notre jeune association, mais l’idée a continué à faire son bonhomme de chemin. Nous verrons sous quelle forme elle a commencé à se concrétiser.
 Nos activités rencontrant un accueil favorable auprès du public et une crédibilité grandissante auprès des artistes (voir photos 1 et 2), les adhésions à l’association ont suivi la même progression (322 adhérents en 1998-99). Il faut préciser que l’association n’a existé longtemps que par le soutien de nos adhérents. Nous fonctionnions à cette époque sans aucune subvention. Toutes les personnes investies dans cette aventure exerçaient (heureusement) une activité professionnelle. Nous étions donc tous de vrais amateurs, de vrais bénévoles.
C’était sans doute plus difficile à gérer, mais c’était notre choix ainsi que notre grande liberté et aussi un aiguillon. Nous avions l’obligation de garnir au mieux la salle, faute de quoi nous ne pouvions plus continuer à dédommager les artistes, ni le resto qui nous accueillait.
 Chaque nouvelle activité était une nouvelle aventure, un nouveau défi. C’était notre façon de nous mettre «en danger». Sans le public des cabarets et les adhérents du Pavillon, l’association ne pouvait plus exister.
 C’est aussi pourquoi nous ne demandions pas aux artistes de remplir la salle avec leurs familles ou leurs amis, ni de faire seuls la promo de leur passage chez nous. C’était notre travail, notre volonté et notre responsabilité. Simple ?

 

 Il semblait pourtant que cela n’était pas chose courante…
Traditionnellement, Le Picardie n’ouvre ses portes à nos cabarets que le premier vendredi de chaque mois. En vérité, nos interventions se font de plus en plus fréquentes, Entre les soirées « dédicaces », les « spéciales », les « de soutien », les « Beaujolais nouveau », les « Fête de la musique », plus les cabarets de Champigny, l’association organise en moyenne trois soirées par mois.

 

 Il y a une sorte d’euphorie à plonger dans ce tourbillon mais aussi un risque réel d’épuisement. Autre risque bien réel, l’épuisement financier des adhérents et du public… Et comme ce sont eux qui ont fait que Le Pavillon est devenu ce qu’il est, leur épuisement serait suicidaire pour l’association.
 Il fallait donc trouver un juste milieu entre l’envie manifestée de voir se multiplier nos activités et la nécessité de gérer au mieux les énergies dont nous disposions pour les mener à bien…
 Le départ en retraite annoncé des patrons du Picardie allait changer la donne. La suite de notre activité principale ne dépendait plus seulement de nous.
 Onze années plus tard, de programmations en animations non-stop pour promouvoir la chanson, l’enthousiasme s’est émoussé.
 Les patrons du restaurant qui nous ont hébergés toutes ces années se résolvent à passer la main, nos cabarets compris, à un groupe de repreneurs intéressés par la réputation du lieu que nous avons largement participé à valoriser.

 

Dans la foulée du succès rencontré par la fête (voir photos) que nous avions organisée l’année précédente pour fêter le dixième anniversaire de nos soirées au Picardie, une « fête des fous » est organisée sur le même modèle pour fêter le départ de Camille et Nicole et pour faire connaissance avec les nouveaux gérants. Mais le courant ne passe pas franchement avec ces derniers.
 Beaucoup de membres de l’association doutent que l’avenir de nos cabarets passe par ces personnes qui nous voient davantage comme des pourvoyeurs de clients que comme des partenaires culturels. Quelques-uns pensent qu’il vaut mieux arrêter là l’aventure, pour rester sur une bonne impression plutôt que de vouloir forcer le destin de ce qui fut une magnifique et réjouissante expérience.
 Plusieurs membres du bureau pour des raisons personnelles (familiales, santé, lassitude, départ en province, retraite, usure…) décident d’arrêter là le voyage, signant définitivement la fin de cette aventure exaltante, l’histoire de feue l’association Le Pavillon, une harmonieuse osmose réussie entre un bar-restau et une association conviviale dédiée à la promotion de la chanson et à ceux qui l’inventent et la font vivre.
 Les cabarets de chansons n’ont pas cessé d’être organisés, dans la foulée de cette expérience, par une autre association Ivryenne. Mais cela est une autre histoire…

 
Michèle Guigon et Allain Leprest
aux ateliers d'écriture d'Ivry


 
.... l'association Puce & Compagnie a pour vocation principale l'organisation de cabarets de chansons afin de faire connaître à un public populaire dans un environnement convivial, des artistes francophones pas ou trop peu médiatisés, dans des bars restaurants comme l'Annexe ou à l'occasion des fêtes organisées sur la ville d'Ivry/Seine


 


Loïc Lantoine parle de sa rencontre avec Allain Leprest dans le Parisien :
Comment avez-vous découvert Allain Leprest ?
LOÏC LANTOINE. Il passait dans ma région, près de Lille. La première chanson que j'ai entendue, c'est « Je viens vous voir ». J'ai pris une claque d'entrée. Non seulement sa plume m'a scotché mais j'étais impressionné par sa façon de tenir la scène. Il dégageait quelque chose de très fort. J'ai réussi à le rencontrer par le biais d'une association dans laquelle je travaillais. A l'époque je n'écrivais pas. (NDLR : Allain Leprest dit le contraire dans le Chanson Boum de 2008 devant Loïc Lantoine qui ne le contredit pas).  Il m'a dit que je devais essayer. Comment vous êtes vous retrouvés à Ivry? Quelques années après, je me suis installé à Paris. Et j'allais très souvent à Ivry. Tous les mercredis, il y avait des ateliers d'écriture au Picardie. On était une cinquantaine à y participer. Allain partait du principe que tout le monde pouvait écrire. On faisait des défis, des jeux. Une de mes chansons, « Manneken Pis », je l'ai écrite là-bas. J'ai même gardé le texte. A l'époque — c'était il y a quinze ans —, on était toute une bande à Ivry à bien se marrer autour d'Allain. A part son talent, c'était aussi quelqu'un de très drôle.

 
 
Dans sa chanson "Ivry dire", Loïc Lantoine 
raconte Ivry, et rend un petit hommage - clin d'oeil à son pote poète Allain : 
C'est quoi, le temps vous 'Prest à vous cramer si vite ? 

Un clin d'oeil également à JeHaN 

A l'ombre de ces tours des géants font les cons.

(ce texte a vécu sur scène, a failli se retrouver
sur l'album "les ailes de JéHan")
Ici, Loïc Lantoine la "pas chante" à l'Ailleurs à Paris, en février 2000. 

 
Ivry dire
paroles de Loïc Lantoine,
mis en musique 
par JéHan Cayrecastel

C'est depuis la Courneuve, où l'on fête les hommes,
Qu'une fière flêche rouge perce le coeur de Paris
Je m'en vais à Ivry où les amours sont bonnes
Pour causer météo au café d'la mairie.
Ici Casanova ne drague pas au bistrot,
Une femme a là-bas renchéri sur son nom
Et quand j'ai le coeur vide j'y viens vivre de trop
A l'ombre de ces tours des géants font les cons.

Ivry dire
Je viens boire ta légende
A vrai dire
C'est que j'aime tes gens

Eh ! Les gars ret'nez moi ou j'vous fait un bonheur
Bande d'obèses du coeur avec vos tronches cassées
J'ai plus pied, on se marre une marée de bonnes heures
Et quand vient le reflux j'en ai presque eu assez.
Allez v'nez on s'engueule pour pas se dire qu'on s'aime
C'est quoi, le temps vous 'Prest à vous cramer si vite ?


Moi je suis tout rempli mais j'en reveux quand même
De Coco à Nanar, on met mes peurs en fuite

Ivry dire
Je viens boire ta légende
A vrai dire
C'est que j'aime tes gens

 
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