"Jules Supervielle, c'est le cristal, La folie et l'audace, c'est Henri Michaux, et le coeur, c'est un poète belge qui s'appelle Norge"....... "qui tue les bisons en short !" (Loïc Lantoine)
Norge, pseudonyme de Georges Mogin, né le 2 juin 1898 à Molenbeek-Saint-Jean (Bruxelles) et mort le 25 octobre 1990 à Mougins, est un poète belge francophone.
Biographie Georges Mogin naît au sein d'une famille bourgeoise. Son père, d'origine française est le descendant d'un protestant ayant fui la France après la révocation de l'édit de Nantes, sa mère est allemande, ce qui fait qu'il il avait la double nationalité belge et allemande. Il fait ses études classiques au collège Saint-Michel puis à l'école allemande. D'un premier mariage, en 1918, naîtra un fils, l'écrivain Jean Mogin qui sera l'époux de la poétesse Lucienne Desnoues. Pendant 34 ans, Georges Mogin sera représentant de commerce en textiles pour l'industrie familiale. À 25 ans, en 1923, il publie son premier recueil (27 poèmes incertains) sous le pseudonyme de « Géo Norge », qu'il raccourcira bientôt en « Norge ». Il connaît une première période de publication intense jusqu'en 1936. En compagnie de Raymond Rouleau, il fonde, en 1925, le théâtre du Groupe libre, un groupe avant-gardiste et éphémère qui mettra en scène Jean Cocteau, Karel ?apek, Max Deauville et, aussi, Tam-Tam, un poème scénique de Norge qui sera victime d'un tract et d'un chahut organisé par les surréalistes belges (Paul Nougé, Camille Goemans, E. L. T. Mesens). En 1931, Norge rencontre Pierre-Louis Flouquet et Edmond Vandercammen. Ensemble, ils fondent le Journal des poètes. Une quinzaine de poètes gravitent autour de ce journal, dont André Salmon. En 1937, il fonde les Cahiers blancs qui publieront notamment un hommage à Milosz. Il collabore à l'Anthologie des poèmes inédits de Belgique (1940). En 1940, il épouse l'artiste peintre Denise Perrier-Berche. Après la guerre, Norge émigre en Provence et devient antiquaire à Saint-Paul-de-Vence en 1954. C'est alors que commence sa seconde période de production intense. Son œuvre est pleinement reconnue à la fin des années 1950 : en 1958, Norge reçoit le prix triennal de poésie de la Communauté française de Belgique pour son recueil Les Oignons, en 1969 l'Aigle d'or de la poésie au premier festival international du livre à Nice, en 1970 le prix quinquennal de littérature de la Communauté française de Belgique, puis, en 1971, le premier prix littéraire belgo-canadien. En 1983, c'est la Semaine Norge à la Maison de la Poésie à Paris et, en 1985, le prix de la Critique pour Les Coq-à-l'âne. Norge meurt à Mougins, en 1990, précédé de quelques années par sa femme. Il est enterré dans le cimetière du Grand Jas à Cannes.
Norge avait coutume d’envoyer ainsi, comme en canular, son dernier poème, en signe amical.
Poésie Sa poésie revêt une grande diversité de formes (poèmes-récits longs, virelangues, micro-fables, vers réguliers, versets...) Sous un habit trompeur, celui d'un langage simple, accessible, parfois enfantin, à l’humour omniprésent, la poésie de Norge a une réelle dimension métaphysique. Poète inclassable, ce grand « Stupéfait » d'exister ne cesse de s'étonner : comment peut-on être un humain ? Sa poésie allie concret et métaphysique, sensualité et cruauté, vérité et incrédulité, fringales terrestres et soif d'infini. Passionné par la vie dans la diversité de ses formes, il traite aussi bien des étoiles que du lombric ou de la mouche.
Norge mis en chansons (en bas de page, une étude très fouillée de Daniel Laroche : "Norge mis en chansons" pour Textyles)
« J’ai beaucoup milité pour que la poésie sorte souvent de ses châteaux de papier, vienne respirer “le plein air” et vive davantage parmi les hommes. Certes, son existence livresque importe, car la confidence solitaire nourrit les cœurs à longueur de silence. Mais la poésie, sœur de la musique, est née de la voix haute et cette “haute voix” lui confère sa perpétuelle renaissance et son sacre » Norge
Les Poèmes de Norge ont été chantés ... car il pouvaient devenir chansons ...
Une chanson
Une chanson bonne à mâcher Dure à la dent et douce au cœur. Ma sœur, il faut pas te fâcher, Ma sœur.
Une chanson bonne à mâcher Quand il fait noir, quand il fait peur, Comme à la lèvre du vacher, La fleur.
Une chanson bonne à mâcher Qui aurait le goût du bonheur, Mon enfance, et de tes ruchers L’odeur.
Ou .... chanson des rues :
Partir ainsi, ça c’est une aventure : Ils étaient seuls sur le petit rocher ; Pas une mouche et la rêche nature Était tout’ seule avec eux accrochés. Oui zaccrochés sur un picot de pierre, Tout seuls au monde et je l’ai déjà dit. Tout seuls au monde et seuls avec des pierres, Tout seuls au monde et je l’ai déjà dit. Partir ainsi, c’est un fameux voyage. Voilà ti pas que tout s’met à bouger, Ça boug’ d’abord comme un petit nuage Et puis ça boug’, comme un’ mer enragée. Tout seuls au monde et je l’ai déjà dit, L’homme et la fill’ sur la petite roche Tourbillonnants comm’ du vent dans un’ cloche Mont’ en plein ciel et sont au paradis. C’est vert, c’est roug’, c’est bleu le paradis ; Ça sent les ang’ mais on n’y voit personne. On peut siffler, crier comm’ des maudits, On peut gueuler, i’a rien qui résonne. Qu’est-c’ qu’on va faire ? On enfonc’ dans des v’lours. I’ fait trop chaud. Si on ôtait sa ch’mise ? I’ a personn’. Si on s’donnait des bises, Si on s’couchait ? Si on faisait l’amour ? On fait l’amour et ça dure et ça dure. Quand c’est fini, on recommence encore. L’amour au ciel, ça c’est une aventure ; Quand c’est fini, on recommence encore. On fait l’amour ; les soleils peuv’ crouler ; C’est bien trop bon pour déjà qu’on s’arrête — Julot, j’voudrais mourir sans m’réveiller. — Mimi, jamais, j’ai tant perdu la tête. Eux qui croyaient qu’i’ zétaient seuls au monde, I’ rest’ cent ans à boir’ la belle amour. Cent ans ça fait comme un long train qui gronde. Pour eux ça pass’ comme un petit tambour. Eux qui croyaient qu’i’ zétaient seuls au monde, Les séraphins sont là pour les zyeuter, Les séraphins autour d’eux font des rondes Et n’ont pas d’fleurs assez pour leur jeter. Tout nus, tout chauds sur des mat’las d’étoiles, Tout jeun’, tout beaux, sans chemise et sans voiles, Deux p’tits oiseaux bien au doux dans leur nid Et pour toujours au milieu d’l’infini.
C’est depuis lors que les ang’ sont si tristes C’est depuis lors qu’au ciel, ça pleur’, les chants, C’est depuis lors que tant d’malheur existe. C’est depuis lors que Dieu est si méchant.
Qui a chanté Norge ? Tout d'abord, Norge a été chanté par Jeanne Moreau, qui lui a consacré un album sur des musiques de Philippe-Gérard :
Jeanne Moreau chante Norge Universal 2002 Le Nombril Anna La Belle Gai Carnivore Chevaux Toujours Chanson A Tuer Peuplades Chéri La Peur Rape A Fer Et Rape A Bois Le Tueur Et La Tuée Trop Tard Pas Bien Lits D'Amour Fourmi Assez Dormi Le Mordeur Plus B'Soin Le Petit Non Dans L'Eau Du Temps Madame Augarita La Politesse Fille D'Amour
"Entre l’écrivain et elle, la rencontre est [] fulgurante. « Ses poèmes m’ont paru simples, évidents, avec des mots qui allaient droit au cœur... J’ai eu envie de les dire puis d’en faire des chansons pour un disque. Certaines sont drôles ou cruelles, d’autres tendres, agressives, humoristiques », dira-t-elle. C’est vers 1979 qu’un projet de disque voit le jour avec le producteur Jacques Canetti, lequel avait contribué à révéler des artistes tels que Boris Vian, Léo Ferré, Georges Brassens ou Raymond Devos. Convaincus par l’intérêt du projet et la certitude de trouver un public, Jeanne Moreau et Canetti décident de se prêter à l’entreprise. C’est alors un travail de deux ans qui commence. Vingt-deux poèmes sont choisis, dont Gai carnivore, Chanson à tuer, Le Tueur et la Tuée, etc. Les partitions musicales sont demandées à M. Philippe-Gérard, auteur de près de mille chansons pour Édith Piaf, Frank Sinatra, Marlène Dietrich, Nat King Cole, Maurice Chevalier et autres célébrités du music-hall. Jeanne Moreau enregistre les vingt-deux chansons en trois semaines de studio, et le disque est commercialisé sous le titre Jeanne Moreau chante Norge. La télévision s’en mêle aussitôt. Sous le titre Fille d’amour, Jean-Christophe Averty réalise pour France 3 une émission entièrement consacrée à la rencontre du poète et de l’actrice, dont c’est la première apparition en tant que chanteuse sur le petit écran, et au cours de laquelle deux des poèmes sont dansés... « Norge est d’abord un merveilleux écrivain de la voix et tout ce qu’il a publié depuis 1968 semble être fait pour être dit, au besoin pour être dit en musique. On pourrait même avancer que la plupart de ses poèmes sont de vraies chansons, des complaintes, des ritournelles et qu’à la limite ils contiennent leur propre musique, au point qu’une partition ne leur apporterait pas grand-chose. Jeanne Moreau en a interprété quelques-uns et on n’a pas l’impression qu’elle les a transcendés... » Ce jugement parait un peu sévère. Les partitions de Philippe-Gérard témoignent d’une excellente compréhension des poèmes, qu’elles mettent en relief avec beaucoup de justesse. Les mélodies sont inventives, l’orchestration sans lourdeur aucune donne une impression de vivacité un peu acidulée. Et au gré de ses tonalités tantôt fraîches, tantôt mélancoliques, tantôt malicieuses, l’interprétation enjouée de Jeanne Moreau a l’immense mérite de ne pas forcer le texte dans un sens ou dans un autre, de mettre en évidence ses qualités intrinsèques, de s’accorder à lui sans rien d’envahissant ou de sophistiqué. La voix de la comédienne, bien entendu, est pour beaucoup dans le charme des vingt-deux chansons : très légèrement voilée, avec des pointes d’impertinence et de fausse ingénuité, elle épouse la prosodie des textes avec une grande intelligence musicale."
in Norge mis en chansons de Daniel Laroche
Jeanne Moreau - Chanson à tuer (Norge)
Plante ce couteau, minette Mais droit au coeur s'il te plaît La besogne à moitié faite Et les meurtres incomplets Font horreur à l'âme honnête Qui n'aspire qu'au parfait Qui n'aspire qu'au parfait Parfait, parfait, parfait
Les couteaux à cran d'arrêt N'ont cure des pâquerettes L'homme dort comme un boulet Plante ce couteau, minette La nuit saoule de planètes Ne se souviendra jamais Ne se souviendra jamais Jamais, jamais, jamais
Droit au coeur, au coeur discret Qui dans son profond palais Sait mourir sans chansonnette Plante ce couteau, minette La nuit saoule de planètes Ne se souviendra jamais Ne se souviendra jamais Jamais, jamais, jamais
Ne se souviendra jamais
Jeanne Moreau - Fille d'amour (Norge)
Léonce Léonce
Tu peux faire de moi Tout c'que tu voudras Léonce Tu n'as rien d'mandé Mais t'es sûr de ma Réponse Quand on aime si fort Depuis si longtemps Misère! Qu'est-ce qui reste encore Cont' les sentiments A faire?
Tu peux faire de moi Tout c'que tu voudras Léonce Tu n'as rien d'mandé Mais t'es sûr de ma Réponse Une fille, ça n'peut pas Résister si dur Quand brille De toute sa fureur L'amour en feu sur Une fille
Tu peux faire de moi Tout c'que tu voudras Léonce Tu n'as rien d'mandé Mais t'es sûr de ma Réponse Goûte, pille et bois Ombre, bouche et seins Oh pille! Ah! La soif d'amour C'est comme du raisin Une fille
Tu peux faire de moi Tout c'que tu voudras Léonce Tu n'as rien d'mandé Mais t'es sûr de ma Réponse J'ai fini d'penser C'est plus qu'ton envie Ma vie Juste bonne à tuer Quand ça s'déshabille Une fille
Tu peux faire de moi Tout c'que tu voudras Léonce Tu n'as rien d'mandé Mais t'es sûr de ma Réponse Quand on aime si fort Depuis si longtemps Misère! Qu'est-ce qui reste encore Cont' les sentiments A faire?
Une fille, ça n'peut pas Résister si dur Quand brille De toute sa fureur L'amour en feu sur Une fille Goûte, pille et bois Ombre, bouche et seins Oh pille! Ah! La soif d'amour C'est comme du raisin Une fille J'ai fini d'penser C'est plus qu'ton envie Ma vie Juste bonne à tuer Quand ça s'déshabille Une fille
Léonce Une fille Léonce
Jeanne Moreau - La Fourmi (Norge)
Une fourmi fait un trajet De cette branche à cette pierre Une fourmi, taille ordinaire Sans aucun signe distinctif Ce matin, juin, je crois le sept. Elle porte un brin, un fétu Cette fourmi, taille ordinaire Qui n´a pas la moindre importance Passe d´un trot simple et normal
Il va pleuvoir, cela se sent Et je suis seul. Moi, seul au monde Ai vu passer cette fourmi Au temps des Grecs et des Romains D´autres fourmis couraient ainsi Dont rien jamais ne parle plus Cette fourmi, taille ordinaire Sans aucun signe distinctif Qui serait-elle? Comment va-t-elle?
Et toi et moi qui sommes-nous? Et comment tournent les planètes Qui n´ont pas la moindre importance? Que fait l´histoire au fond des cœurs Et comment battent ces cœurs d´hommes Qui n´ont pas la moindre importance? Que font les fourmis de l´esprit?
Ce matin, juin, je crois, le sept. Sans aucun signe distinctif Il va pleuvoir, cela se sent Cela fera du bien aux champs - Et ta fourmi, taille ordinaire Qu´en as-tu fait? Que devient-elle? Crois-tu qu´elle était amoureuse? Crois-tu qu´elle avait faim ou soif? Crois-tu qu´elle était vieille ou jeune Ou triste ou gaie? Intelligente ou bien quelconque? Pourquoi, pourquoi Pourquoi, pourquoi Ça n´a-t-il pas plus d´importance? Pourquoi, pourquoi Ça n´a-t-il pas plus d´importance? Pourquoi... Pourquoi Pourquoi... Pourquoi Pourquoi... Pourquoi Pourquoi ?
Jeanne Moreau - "La fourmi" et "Dans l'eau du temps"
Jeanne - Moreau - Dans l'eau du temps (Norge)
Dans l'eau du temps qui coule à petit bruit, Dans l'air du temps qui souffle à petit vent, Dans l'eau du temps qui parle à petits mots Et sourdement touche l'herbe et le sable ; Dans l'eau du temps qui traverse les marbres, Usant au front le rêve des statues , Dans l'eau du temps qui muse au lourd jardin , Le vent du temps qui fuse au lourd feuillage Dans l'air du temps qui ruse aux quattre vents, Et qui jamais ne pose son envol, Dans l'air du temps qui pousse un hurlement Puis va baiser les flores de la vague, Dans l'eau du temps qui retourne à la mer Dans l'air du temps qui n'a point de maison, Dans l'eau, dans l'air, dans la changeante humeur Du temps, du temps sans heure et sans visage, J'aurai vécu à profonde saveur, Cherchant un peu de terre sous mes pieds, J'aurai vécu à profondes gorgées, Buvant le temps, buvant tout l'air du temps Et tout le vin qui coule dans le temps.
Jeanne Moreau - Le nombril
Je suis le nombril du monde Tu es le nombril du monde Le nombril, le nombril La lune aussi est le nombril du monde La lune aussi est le nombril du monde
Je t'ignore, tu m'ignores La lune aussi nous ignore C'est égal, c'est égal On est quand même tous le nombril du On est quand même tous le nombril du On est quand même tous le nombril du monde
Norge est interprété également par Juliette. "Le p'tit Non" de Norge est sur son album "Deux pianos" (live) de 1998
Le P'tit Non
Le p'tit crochet dans la bouche du gardon Le p'tit poison qui mordit le sang d'Adèle Le p'tit microbe dans l'intestin de Raymond Mon dieu, tout ça, c'est de la mort naturelle
Le p'tit vent creux dans les poumons de Julot Le p'tit lacet qui serra le cou du loir Le p'tit marteau sur la caboche du veau Mon dieu, tout ça, c'est de la mort accessoire
Mais ce p'tit non sur les lèvres d'Anna Quand je lui demande encore un peu d'amour, Ça, c'est de l'horreur, ça c'est de l'assassinat, De la mort qui pue et de la griffe de vautour Anna ma douce, Anna mon petit mouton, Toutes les autres morts, qu'est-ce que tu veux que ça me fasse ? Mais ce p'tit non qui répond toujours non Non… non. Ce p'tit non-là, c'est de la mort dégueulasse
Norge a été interprété par Brassens qui a chanté "Jehan l'advenu" sur une musique de Jacques Yvart
Jehan l'advenu
Puis il revint comme il était parti : Bon pied, bon œil, personne d'averti. Aux dents, toujours la vive marguerite, Aux yeux, toujours la flamme qui crépite.
Mit sur ta lèvre, Aline, un long baiser, Mit sur la table un peu d'or étranger, Chanta, chanta deux chansons de marine, S'alla dormir dans la chambre enfantine.
Puis il revint comme il était parti : Bon pied, bon œil, personne d'averti. Aux dents, toujours la vive marguerite, Aux yeux, toujours la flamme qui crépite.
Rêva tout haut d'écume et de cavale, S'entortilla dans d'étranges rafales. Puis au réveil, quand l'aube se devine, Chanta, chanta deux chansons de marine.
Puis il revint comme il était parti : Bon pied, bon œil, personne d'averti. Aux dents, toujours la vive marguerite, Aux yeux, toujours la flamme qui crépite.
Fit au pays son adieu saugrenu Et s'en alla comme il était venu. Fit au pays son adieu saugrenu Et s'en alla comme il était venu.
Cette même chanson est reprise par JeHan sur scène
Loïc Lantoine chante un autre texte de Norge sur scène.
Loïc Lantoine chante "Vin profond" sur scène
Aux Feux d'hiver de Calais en 2009
Une autre version, plus calme, à Nantes en 2013
Vin Profond à Troyes en 2013
"Le vin profond" Norge Flammarion 1968
J'ai glorifié la musique des sphères, mais la voix de ma bien-aimée est plus douce que le chant des étoiles. J'ai glorifié les fontaines de l'éternité, j'ai rêvé de boire leurs eaux jubilantes, mais la lèvre de ma bien-aimée a des saveurs plus graves que les source immortelles. La vaste mer et ses flots de beauté, rien ne parut plus digne de mes chants,- mais maintenant je préfère un pas de ma bien-aimée sur le sable du rivage. O feuillages des cieux, bruissants de vérité, où l'espérance fait son nid, je l'ai reçu votre langage. Mais mon oreille aujourd'hui est moins anxieuse de l'entendre que la simple parole de ma bien-aimée. Sa chevelure fait l'histoire d'un royaume et son front m'investit d'un orgueil si riche que mon regard à présent est difficile à soutenir. Sa chaleur est avec moi, comme la rose avec la lumière, comme le miel avec la bouche, comme la grappe avec l'été. Elle est ma grappe, elle est ma vigne, et dans le sommeil du cellier, elle est mon vin profond. Chantez pierres muettes ! Sources cachées, sortez de votre lit, venez baiser son pied. Forêts privées de vues, regardez fermement; inflexibles hivers, ployez enfin vos bises. Et vous miroirs soyez purs. C'est l'églantine qu'il faut à sa main rafraîchissante, c'est un fil d'or qui doit trembler à sa cheville danseuse. Et puisse-t-elle n'habiter d'autres vêtements que le lin rude. Sourires précieux, plus précieux regard, baisers que j'ai vraiment connus, soyez chantés pour les trésors de ce monde brumeux. Bien qu'à porter plus loin mon chant, le cœur ici se refuse. Car il n'est point dans l'ordre souverain que la fleur goûte la perfection de son parfum, Que le vin connaisse le délice de la gorge. O nuits, demeurez ténébreuses, et vous miroirs, soyez purs. Ma sage bien aimée traverse le jardin. Gazon sois tendre à son pied. Elle glisse comme la lune. Elle se meut brillante et naturelle. Peu d'ombre se déplace et parmi les fruits, son ventre et ses seins légers sont dans l'essor d'une danse légendaire. Quel âge a le monde et quel nom saurait nommer le lourd amour ? Silence ô bien-aimée. Mais qu'en la nuit très close, je sois tranquille à te goûter comme un vin profond.
"Je sais, vous allez me dire : Quelle beauté, quel infernal carnaval de perles et de cristaleries de sources de poésie et de vers ......... ou pas" (Loïc Lantoine)
Citations de Norge :
" La fraise des bois Aubin cueillait des fraises dans les bois. — Baste, une femme nue, dit-il tout d'un coup. C'est ici que ça pousse; je me demandais bien. Elle venait à lui, souriante et légère. Ils eurent beaucoup d'enfants et Aubin dut trimer comme un nègre. "
" Le nain Ce qu'il y a de grand chez le nain, c'est son regard. D'ailleurs. le nain n'est pas petit, ça se voit, il est comprimé; il pourrait devenir très grand. Oui, mais son cœur est petit. Tu crois ? Et puis, pourquoi parler toujours de taille ? "
" L'ordre Je mets beaucoup d'ordre dans mes idées. Ça ne va pas tout seul. Il y a des idées qui ne supportent pas l'ordre et qui préfèrent crever. À la fin, j'ai beaucoup d'ordre et presque plus d'idées." (extraits de Les cerveaux brûlés, 1969)
Œuvres L’ensemble de ses œuvres poétiques de 1923 à 1973 forme un épais volume3 : Œuvres poétiques, 1923-1973, Paris, Seghers, 1978. L'auteur a été publié chez Gallimard, Flammarion, Seghers, ainsi qu'aux Éditions du disque Vert, Éditions Sagesse, Éditions ça ira (Anvers), Labor, Saint-Germain-des-Prés, Jacques Antoine, École des Loisirs... Principaux ouvrages disponibles Poésies : 1923-1988, coll. Poésie, préface et choix de Loránd Gáspár, Gallimard, 1990, 1992 Remuer ciel et terre, Bruxelles, Labor, coll. Espace Nord, 1985 Autres publications Le Sourire d'Icare, Anvers, Ça ira, 1937 Les Râpes, 1949 Famines, 1950 Le Gros Gibier, 1953 La Langue verte, Paris, Gallimard, 1954 Les Oignons, Lyon, Henneuse, 1956 Les Quatre Vérités, Paris, Gallimard, 1962 Le Vin profond, Paris, Flammarion, 1968 Les Cerveaux brûlés, Paris, Flammarion, 1969 Les Oignons, etc., Paris, Flammarion, 1971 La Belle Saison, Paris, Flammarion, 1973 Eux les anges, Paris, Flammarion, 1978 Les Coq-à-l’âne, Paris, Gallimard, 1985 Le Stupéfait, Paris, Gallimard, 1988
Les Hauts Cris, poèmes inédits 1989-90, coll. Poésie Blanche, recueil établi par Lucienne Desnoues, 48 p., éditions éoliennes, 1999 Le Sourire d'Icare, nouvelle édition illustrée de 19 bois gravés de Xavier Dandoy de Casabianca, 48 p., éditions éoliennes, 2005
En forêt
La fille au garçon Parlait de façon Si douce.
On dirait sous bois Un petit patois De source.
La main jeune d’elle En celle de lui Gîtant
Si frêle en son nid, C’est une hirondelle- Enfant.
Le meilleur de Dieu, Des temps et des lieux, C’est eux.
Ineffable, étrange Façon loin des cieux D’être anges.
Ne bougez plus, même Pour baiser leur front, Comètes.
Ça vaut bien la peine Que les choses rondes S’arrêtent !
J’exagère ? Ô doux, Ce lit de fougères, C’est tout !
Cet heureux cénacle Est le seul miracle Au monde.
L’amie et l’amant, Tout le firmament Autour !
Grondez-le, tambours : On ne vit que pour L’amour !
I - Lecteurs, commentateurs ou interprètes de Norge, tous s’accordent à souligner la forte et constante oralité de sa poésie, même si cette oralité revêt diverses formes et s’affirme plus dans certains recueils que dans d’autres : par son élaboration rythmique, sa phonétique sonore, sa dimension verboludique, son caractère fréquemment allocutif ou interpellatif, cette poésie est véritablement un appel à la mise en voix. Rien d’étonnant, par conséquent, à ce que de nombreux comédiens ou récitants s’en soient un jour ou l’autre emparés pour la présenter au public. Citons, entre beaucoup d’autres, Robert Delieu, Daniel Génicot, le trio formé par Suzanne Philippe, Jules-Henri Marchant et Jean Tordeur, le spectacle de David Butler au Théâtre-Poème en 1979, un disque de Lucienne Letondal en 1983 (1), un autre de François Mairet (2), un récital de Francis Besson en 1985 avec accompagnements musicaux, sans oublier l’excellent Charles Kleinberg.
Notes : 1 - Letondal (Lucienne), avec le concours de Rollan (Henri), Norge et Georges Brassens. Paris, Phonogram (Philips), s.d. (1983), réf. 811349-1. 2 - François Mairet dit Norge. Les Noëls inédits. Bruxelles, Ermitage, 1984.
II - « J’ai beaucoup milité pour que la poésie sorte souvent de ses châteaux de papier, vienne respirer “le plein air” et vive davantage parmi les hommes. Certes, son existence livresque importe, car la confidence solitaire nourrit les cœurs à longueur de silence. Mais la poésie, sœur de la musique, est née de la voix haute et cette “haute voix” lui confère sa perpétuelle renaissance et son sacre » (3). Ainsi Norge lui-même cautionne-t-il la récitation publique du poème, tout en rappelant sa profonde parenté avec la pratique musicale. On ne s’en étonne guère si l’on se rappelle la place importante que, au gré de ses recueils, le poète fait à la musique en général et à la chanson en particulier, que ce soit à titre de thème, de métaphore ou de forme textuelle. C’est ce que rappelle Geneviève Erken, entre autres, dans un précédent numéro de Textyles (4).
Notes : 3 - Texte de Norge au dos de la pochette du disque 33T Poètes belges d’aujourd’hui [dits par] Robert Delieu. Improvisations musicales (de) François Glorieux. 4 - Erken (Geneviève), « Conte, fable et fait divers : l’ambiguïté générique dans quelques textes de Norge », dans Textyles, n? 21, 2002, pp. 94-100.
III - Parmi les interprètes de Norge figurent donc plusieurs chanteurs et chanteuses, belges ou français pour l’essentiel, tous n’ayant pas procédé à l’enregistrement sur disque, tant s’en faut. Si l’on suit l’ordre chronologique, le premier semble être Michel Ardan en 1960, suivi par Paul Louka, qui choisit le poème Une chanson, extrait des Râpes : « Une chanson bonne à mâcher / Dure à la dent et douce au cœur » (5). Vient ensuite Janine Disenhaus, épouse du musicologue Isaïe Disenhaus bien connu des auditeurs de la Radiodiffusion-télévision belge ; rappelons que Jean Mogin, le fils de Norge, occupait lui-même un poste de directeur au sein de la R.T.B., ce qui éclaire sans doute l’origine de la rencontre. C’est ainsi que prend naissance La moisson de Janine (6), titre inventé par Norge lui-même qui, de plus, écrit un texte pour le dos de la pochette :
Janine se promène dans la poésie de Norge Comme dans un champ de blé. Et les épis sont en fleur. Janine se promène parmi les rimes, les cris, les racontars de Norge. Une alouette monte et la voix juvénile de la promeneuse veut la joindre, dirait-on. Les épis, les chansons se balancent. Comment résister à la cueillette ? Janine mêle quelques bleuets à la gerbe de froment. Elle va musant, cueillant et fredonnant. De musardise en musique n’y a qu’un pas, un pas qu’Isaïe Disenhaus franchit d’une foulée souveraine.
Notes : 5 - Barclay, 33T, réf. 07.100.010. Source : Mercier (Jacques), « Le poète Norge mis en chansons », dans La Libre Belgique, 29 septembre 1980. 6 - La moisson de Janine — Janine Disenhaus chante Norge. 22 poèmes chantés par Janine Disenhaus, musique d’Isaïe Disenhaus. La face A est intitulée « Première gerbe », la face B « Seconde gerbe ». Bruxelles, DDF Recording, 1980, réf. LZ 01380. Parmi les poèmes interprétés : « Mes statues », « Lits d’amour », « Annabelle », « La petite Anna »...
IV - Voici que la chanson s’élève comme l’alouette sur la moisson de Janine. Cette interprétation recueillera de nombreux éloges. Pour Jacques Mercier, « la variété du décor sonore répond à la diversité des couleurs du texte. On frôle les réminiscences folkloriques ou l’impressionnisme, la tendresse musicale ou le swing d’un Charles Trenet. Toute la gamme des sentiments mais avec toujours une étonnante profondeur, même dans les sourires, même dans le clin d’œil [...]. La voix de Janine Disenhaus a le côté intemporel qui convient. Ses nuances vocales ont parfois des reflets “barbara-esques” mais avec l’intelligibilité en plus ». Quant à Jacques Ferlay, il parle d’une « heureuse initiative » et conclut, évoquant le disque : « s’il est difficile à trouver, la quête vaut la peine. Les textes y acquièrent encore plus de malice, de miroitement et de profondeur » (7).
Notes : 7 - Ferlay (Jacques), Norge. Marseille, Le Temps Parallèle, coll. Rencontres, 1990, p. 77.
V - Plus inattendue, à première vue, est l’intervention de Jeanne Moreau, mieux connue comme comédienne que comme chanteuse. Entre l’écrivain et elle, la rencontre est pourtant fulgurante. « Ses poèmes m’ont paru simples, évidents, avec des mots qui allaient droit au cœur... J’ai eu envie de les dire puis d’en faire des chansons pour un disque. Certaines sont drôles ou cruelles, d’autres tendres, agressives, humoristiques » (8), dira-t-elle. C’est vers 1979 qu’un projet de disque voit le jour avec le producteur Jacques Canetti, lequel avait contribué à révéler des artistes tels que Boris Vian, Léo Ferré, Georges Brassens ou Raymond Devos. Convaincus par l’intérêt du projet et la certitude de trouver un public, Jeanne Moreau et Canetti décident de se prêter à l’entreprise.
Notes : 8 - Citation tirée de l’article de Jean Tordeur « Jeanne Moreau chante le poète Norge », dans Le Soir du 30 décembre 1981.
VI - C’est alors un travail de deux ans qui commence. Vingt-deux poèmes sont choisis, dont Gai carnivore, Chanson à tuer, Le Tueur et la Tuée, etc. Les partitions musicales sont demandées à M. Philippe-Gérard, auteur de près de mille chansons pour Édith Piaf, Frank Sinatra, Marlène Dietrich, Nat King Cole, Maurice Chevalier et autres célébrités du music-hall. Jeanne Moreau enregistre les vingt-deux chansons en trois semaines de studio, et le disque est commercialisé sous le titre Jeanne Moreau chante Norge (9). La télévision s’en mêle aussitôt. Sous le titre Fille d’amour, Jean-Christophe Averty réalise pour France 3 une émission entièrement consacrée à la rencontre du poète et de l’actrice, dont c’est la première apparition en tant que chanteuse sur le petit écran, et au cours de laquelle deux des poèmes sont dansés (10)...
Notes : 9 - Jeanne Moreau chante Norge. Paris, Éditions Majestic, 1981. Deux disques 33T, réf. DISC’AZ 48 887/88. Réédité sur CD en 1989. Paris, Disques Jacques Canetti, réf. 101822 (distribution Musidisc). 10 - L’émission a été diffusée en première sur France 3, le 30 décembre 1981 à 20h30.
VII - « Norge est d’abord un merveilleux écrivain de la voix et tout ce qu’il a publié depuis 1968 semble être fait pour être dit, au besoin pour être dit en musique. On pourrait même avancer que la plupart de ses poèmes sont de vraies chansons, des complaintes, des ritournelles et qu’à la limite ils contiennent leur propre musique, au point qu’une partition ne leur apporterait pas grand-chose. Jeanne Moreau en a interprété quelques-uns et on n’a pas l’impression qu’elle les a transcendés... » (11) Ce jugement parait un peu sévère. Les partitions de Philippe-Gérard témoignent d’une excellente compréhension des poèmes, qu’elles mettent en relief avec beaucoup de justesse. Les mélodies sont inventives, l’orchestration sans lourdeur aucune donne une impression de vivacité un peu acidulée. Et au gré de ses tonalités tantôt fraîches, tantôt mélancoliques, tantôt malicieuses, l’interprétation enjouée de Jeanne Moreau a l’immense mérite de ne pas forcer le texte dans un sens ou dans un autre, de mettre en évidence ses qualités intrinsèques, de s’accorder à lui sans rien d’envahissant ou de sophistiqué. La voix de la comédienne, bien entendu, est pour beaucoup dans le charme des vingt-deux chansons : très légèrement voilée, avec des pointes d’impertinence et de fausse ingénuité, elle épouse la prosodie des textes avec une grande intelligence musicale.
Notes : 11 - Baronian (Jean-Baptiste), « La Poésie de tous les jours », dans Le Vif du 25 avril 1985.
VIII - Une interprétation moins connue est celle de Yola Her, qui à la fin des années quatre-vingt conçoit et crée le spectacle musical Les Partitions Norge. Professeur de diction et de déclamation au Conservatoire de Musique de Tournai, Yola Her sélectionne dans l’œuvre de Norge pas moins de quarante-six textes, dont certains seront dits et les autres chantés : Cœur de beurre, Chanson à tuer, Le lombric, Monsieur, etc. Elle s’assure le concours du claviériste Philippe De Smet, qui compose et interprète au piano et au synthétiseur l’illustration musicale — sobre mais non pauvre — du spectacle (12). Avant tout récitante et comédienne, Yola Her est moins convaincante dans le chant, où sa voix paraît un peu grêle. Sachant jouer des variations de rythme et des silences, son interprétation n’en est pas moins sensible, chaleureuse, avec tantôt une légère tendance à la dramatisation, tantôt une bouffée de drôlerie, le tout évoquant un peu une ambiance « cabaret ».
Notes : 12 - Les Partitions Norge. Spectacles Yola Her et Jacques Lecomte. Spectacle présenté au Studio Appia (Bruxelles) en septembre-octobre 1988, au Conservatoire de Tournai en novembre.
IX - Plus au sud, c’est en Avignon que, en novembre 1989, l’Association de la Maison du Livre et des Mots présente sous le titre La Poésie dans un jardin — Le poète Norge, un ensemble de manifestations dont le spectacle-cabaret Du Coq-à-l’âne et autres textes de Norge, avec la chanteuse Mina Small (13).
Notes 13 - La Poésie dans un jardin – Le poète Norge. Maison du Livre et des Mots, 4-6, rue Figuière, Avignon, du 7 au 30 novembre 1989. Exposition, lectures par Jean Tordeur et Jean-Claude Bologne, spectacle-cabaret par les « Rencontres pour lire » (Caen), avec Martial Pardo (pianiste), Yvon Poirrier (comédien), Mina Small (chanteuse) et Francis de Cornière (récitant).
X - En 1991, Christian Labeau adapte à son tour quelques textes de Norge, qu’il a découvert durant ses études au Conservatoire grâce à son professeur Georges Génicot. « C’est vrai que Norge est terriblement chantant, sa métrique est impeccable. Il maîtrise parfaitement le vers court, l’hepta (sic), l’octosyllabe, l’alexandrin aussi, ses rimes sont extrêmement riches » (14). Les musiques sont composées par Serge Clément, Jean-Louis Plouvier, Bernard Wrincq. Labeau les chante dans le cadre du spectacle d’une heure et demie qu’il a conçu pour la salle de la Samaritaine sous le titre Les Mat’las d’étoiles (15). Un critique de l’époque, toutefois, estime qu’il ne s’agit pas d’une grande réussite : « là, on s’interroge. La poésie de Norge a-t-elle vraiment besoin d’une mise en chanson ? Et puis, on les comprend mal [...]. Le spectacle, à vrai dire, tiendrait sans doute debout sans elles » (16).
Notes : 14 - Entretien de Jacques De Decker avec Christian Labeau, dans Le Soir du 20 mars 1991. 15 - Les Mat’las d’étoiles. Spectacle conçu et présenté par Christian Labeau. Décor d’Anne Labeau. Bruxelles, la Samaritaine, mars-avril 1991. 16 - Norin (Luc), « Le Mat’las d’étoiles de Norge », dans La Libre Belgique, mars 1991.
XI - La poésie de Norge, sans aucun doute, a connu bien d’autres interprétations chantées, mais leur repérage est malaisé dans la mesure où elles n’ont pas donné lieu à une édition en disque. Notre bref historique n’a donc nulle prétention à l’exhaustivité. Il permet néanmoins de mesurer le remarquable engouement que cette poésie a suscité chez les récitants, les comédiens et les chanteurs, plusieurs de ces textes étant devenus de véritables classiques scolaires dans nos conservatoires. Autre chose est de discerner ce que les interprétations musicales apportent aux poèmes initiaux. Ceux-ci, quoi qu’on en dise, ne sont pas des textes de chansons, n’ayant pas été écrits dans ce but et selon les règles du genre. Un (bon) texte de chanson est par nature plus simple, plus linéaire, et surtout marqué par un taux de redondance lexicale et sémantique plus élevé, car il s’agit de séduire rapidement et de ne pas accaparer l’attention de l’auditeur au détriment de la musique.
XII - Les poèmes de Norge, au contraire, se caractérisent par une grande densité et une élaboration textuelle complexe, de sorte que leur appréhension demande du lecteur ou de l’auditeur une attention soutenue. Parce qu’ils sont sonores, cadencés, ludiques, ils ont certes pu sembler « faciles » — faciles à comprendre, à dire, à mémoriser. La réalité est tout autre. Aussi leur mise en chansons constitue-t-elle, pour les artistes qui s’y risquent, un redoutable défi que seuls les plus grands semblent de taille à relever avec succès.