L’ALCOOLISME
C’est très simple. Bien sûr, je savais. J’ai décidé d’écrire ces pages en étant honnête.
Je n’ai jamais vu Allain ivre.
Jamais…
Mais ne buvant pratiquement jamais je ne suis pas préparé à ce genre de confrontation !!!
 
ET  TU GAGNAIS DE L’ARGENT ?
Si d’emblée, j’avais abordé ce sujet avec Allain, je n’aurais jamais joué avec Lui.
Quand j’ai rencontré Allain dans ce restaurant, je gagnais très bien ma vie. En France, un musicien de mon niveau - et il y en a pas mal- vit très bien… beaucoup d’étudiants étrangers sont restés en France après leurs études ! Le niveau des études dans nos Conservatoires régionaux est très élevé. Je ne parle pas du CNSM. A mes 20 ans, j’ai échoué à l’entrée définitive en saxophone. Je peux dire que la dizaine de prétendants du dernier carré se retrouvant pour « entrer à la classe » étaient tous très bons…pour se partager 2 places au concours !!! J’avais fait la plus mauvaise place…
Beaucoup de chanteurs bien connus sont accompagnés par des musiciens issus des conservatoires : surtout dans les vents et les cordes. Ecoutez les musiciens de W.Sheller par exemple dans Excalibur !
Les offres sont bonnes. Dans les orchestres symphoniques nationaux, les salaires sont très élevés. Les musiciens et  je vais oser dire les authentiques intermittents du spectacle bénéficient d’un minimum syndical  très intéressant. Actuellement autour de 160 Euros/prestation je crois.
Donc avec Allain –et j’ai fait partie de cette période -là quand nous étions tous les  4- en avons-nous bénéficié ?
Oui… mais pas toujours.
« Invités » dans des programmations ne veut pas dire « engagés » : grosse nuance. Les responsables ont-ils toujours eu les moyens de le faire ? Non !
D’autres –je ne cite pas-avaient ces moyens financiers mais ne l’ont pas fait !
Cela a des conséquences qui sont subies encore. Je vais essayer d’être clair.
L’organisateur doit faire une déclaration SACEM ; si elle n’est pas faite, les auteurs et compositeurs ne toucheront pas leurs droits. Si elle est faite le spectacle doit être déclaré et souscrire aux réglementations, aux cotisations… le coût total croissant d’autant.
Allain, adhérent au PC a beaucoup chanté « invité » –et nous aussi ; ce que je refuse catégoriquement depuis longtemps et encore maintenant- pour des fêtes, des municipalités de cette tendance. Certaines -donc pas toutes- ne respectant absolument pas les règles. Ce qui est plutôt en contradiction avec leurs principes… je sais: cela fait tousser ! Il faut le dire.
Cela étant, d’autres organisations à tendance politique différente agissent de la même façon. 
Quand j’ai eu ma mission à l’inspection académique, je me suis rendu compte que des enseignants se débattaient pour obtenir des budgets, inviter des artistes ; que des municipalités disaient s’impliquer et « in fine » ne reversaient pas le moindre centime ! L’artiste en subit les conséquences… l’enseignant aussi : effet « boomerang ».
Inversement, il faut aussi dire que ces municipalités pouvaient se méfier ayant été échaudées par des gens se prétendant « artistes »…
Il a fallu qu’Allain passe ce cap-là.
Dès lors les responsables ont été obligés de « jouer le jeu » sans forcément en avoir envie.
Je pense à une première partie avant Nicoletta à St-Léger du Bourg Denis. Chapiteau plein à craquer. Rien à dire. Respect du contrat. Paiement immédiat. Pas la phrase souvent entendue : » Ne vous inquiétez pas, on ne peut pas vous payer tout de suite, mais c’est sûr, on va vous payer ».Tout fut parfait… excepté le public qui se fichait complètement de notre prestation attendant au plus vite la mort du soleil !!!
 
Chant : Allain Leprest
Saxes : Stéphane Rio
Guitare mélodique :  Manuel Gipouloux
Guitare harmonique et rythmique : Fabrice Plaquevent (Julien Heurtebise)
 ocarina, diverses flûtes, peigne et instruments improbables : Michel Dalmaso
En 1981
Concert à Saint Léger du Bourg Denis (76)


Pour certaines prestations à partir donc d’une certaine « notoriété » d’Allain, nous avions un bon cachet… Avec celui de Nicoletta et un autre, je suis allé à Paris m’acheter un violoncelle !
Il y a aussi la peur du gendarme !!! La SACEM détaillant les programmations, les organisateurs doivent être plus vigilants. Allain était « trop » connu désormais dans ce Landerneau rouennais… et toujours annoncé à l’avance.
Je ne sais pas si Allain a subi à nouveau tout cela quand il s’est installé à Paris… l’artiste payé avec un sandwich n’est pas une image folklorique… 
 
Cependant, pour Allain, Manu et Fabrice qui n’avaient pas de travail « ailleurs », c’était très difficile pour vivre au quotidien pour ne pas dire impossible.
Je suis passé souvent rue Hilaire Castelli  dans la petite maison entre mon collège et Gorki. Sally et Allain étaient très accueillants… mais ils avaient du mal à vivre : il fallait remplir les assiettes. Sally était d’une gentillesse et d’une patience !!! Et je pense sincèrement que quelque fois cela devait être plus dur pour Elle que pour Allain. Je ne sais plus si c’est Fantine ou Mathieu que j’ai connus  tout bébés ou les 2 à cet endroit.
Allain « siphonnait « l’électricité aux branchements EDF !!!
Le cas d’Allain n’est pas unique…
 
 
LA SACEM
Un peu aussi le lien avec ce qui vient d’être écrit.
 Fabrice et moi voulions que TOUT soit déclaré à la SACEM. Personnellement j’y étais déjà. Certes il y a les droits d’auteur mais il y a surtout la protection ! Ce n’est pas à relativiser…
Immédiatement cela s’est avéré un véritable imbroglio !!! Déclarer les textes et les musiques pouvait, aurait pu nous empêcher d’aller jouer : je viens de l’expliquer. Déclarés, un contrôle SACEM peut intervenir et il n’y a rien à dire là-dessus. L’organisateur peut se mettre hors-la-loi. Sciemment (ça existe) ou de bonne foi (ça existe et c’est beaucoup plus excusable). Dans le milieu on finit vite par faire la différence…
Nous en avons beaucoup discuté et finalement Allain a fait une demande d’inscription. J’ai une copie de la recevabilité. Par contre est-il allé ensuite plus loin dans la démarche ? Je ne sais pas.
En plus, tous les 4, nous « remontions » certaines chansons existantes. Qui les avait réellement écrites en totalité ? L’exemple de Rouen est flagrant ! Nous reprenons toute la musique ; j’en ai déjà parlé plus haut : la mélodie d’Etienne Goupil est très belle. Nous l’adaptons. Cette musique est-elle encore d’Etienne ? Nous la déclarons au nom d’Etienne par exemple. Question : Etienne est-il inscrit à la SACEM ? Je ne sais pas.
Pour P’tit Louis je refais toute la mélodie. J’en suis donc le « compositeur ». Elle n’est pas déclarée ; je le sais. Je suis pourtant à la SACEM : je peux donc la déclarer, ce que je ne fais pas. Plus tard une musique est refaite ; elle est déclarée. Je n’ai rien à dire car il n’y a qu’un seul dépositaire par œuvre. C’est comme cela. Isabelle Aubret qui l’a chantée n’a pas à se soucier de cela. Ce n’est pas son problème.
Henry Dubos a vécu la même chose pour la retraite.
Ces chansons dont je parle ont été en Normandie entendues par des centaines de personnes !!! Je n’invente rien. Dans tout système il y a des lacunes… donc du profit…
Je n’invente rien en écrivant cela.
A Paris, Allain a du donner des textes. Les musiques ont été pour la plupart éliminées d’office. C’est Allain en personne qui me l’a dit. Il était très gêné de cela.
Est-ce pour cela que cette période rouennaise : début des années 80 a été régulièrement évacuée?
Poser la question est répondre un peu…
 
 
IL FALLAIT QUE CELA SE TERMINE…
Cela s’est terminé : 1984/1985
Cela s’est terminé naturellement. Tranquillement.
Nous avions fait le tour de tout ce qui se passait en Normandie. Allain avait envie d’ailleurs et il avait parfaitement raison. Didier Dervaux, un de ses vrais Amis l’a aidé à passer la porte. Didier que j’ai un tout petit peu connu était un mât pour Allain. Homme de certitude et jamais dans l’utopie. Pouvant être un formidable interprète ! Même si l’arrivée à  Paris  fut aucunement professionnelle !!!
Allain me demande si je peux essayer les cabarets avec Lui. Je sais Manu et Fabrice partants. Que risquaient-ils ?
Franchement, je ne m’y voyais pas et j’avais mes occupations ailleurs. Cela serait devenu intenable.
Et puis je venais d’avoir une proposition qui ne se refuse pas.
J’avais enseigné ma première année au Lycée Saint-Saens à Rouen. Ma collègue de l’époque, Jeanne-Marguerite Varambon, figure emblématique de la profession, qui avait créé l’institut de musicologie à Rouen m’avait appelé. Patronne de l’association des profs de musique, elle était une grande Amie.
« Stéphane, le rectorat vient de m’appeler. Ils me demandent un prof pour faire les cours de musique dans la section maintenance audio-visuelle qui se crée au lycée Sembat. Je ne te demande pas ton avis : c’est Toi qui seras le prof et j’ai obtenu que tu fasses les cours aussi pour le bac »
Tout à créer : programme pour l’inspection générale. Une autre aventure allait commencer.
Elle a duré 20 ans…
Une carrière dans laquelle Allain n’avait plus sa place.
Et la carrière d’Allain devait se poursuivre ; dans laquelle je n’avais plus ma place.
 
 
QUE ME RESTE-T-IL D’ALLAIN ?
Quelques documents. Marc et son bouquin m’a remis dedans. Une grande émotion forcément.
Des anecdotes sur le vélo. Il aimait beaucoup sans le pratiquer. J’aime beaucoup en le pratiquant.
J’avais tout coupé de cette période.
Allain est mort. Marie, une collègue  m’envoya le SMS ; Daniel m’appela. Je ne suis pas allé aux obsèques. J’étais très loin du lieu.
J’ai revu Allain 3 ou 4 fois. Je suis allé l’écouter 1 fois. Mais je n’étais pas un auditeur tout à fait normal… Mal à l’aise, je n’ai pas renouvelé l’expérience.
Je ne vis pas avec Lui. Je ne possède aucun disque de Lui.
J’ai quelques images fortes. Le Solex de Good Bye Gagarine est un clin d’œil : c’est le mien.
Allain m’avait dit : « un jour, je mettrai ton solex dans une chanson »… j’ai découvert cela des années après.

Le Good Bye Gagarine de Stéphane Rio

«  On sent ton crâne sous ta peau »… c’est le mien … devinez pourquoi ?


 
Il y a quelques années, je venais d’être nommé au collège Barbey d’Aurévilly à Rouen…  Léopold, que je connaissais à peine, élève de 3ème est venu me voir.
Il m’a dit très maladroitement mais avec beaucoup de respect et d’émotion :
« Monsieur, un survivant m’a dit de vous embrasser ! Vous savez qui je suis ? 
-Non ! J’arrive dans ce collège
-C’est Allain Leprest : c’est lui le survivant. Je m’appelle Léopold. Je joue de la guitare électrique. Mon père avait entre autres musiques écrit celle de Joe le taxi… «
J’avais émis le désir un peu fou de faire appeler la salle de musique du collège Barbey d’Aurévilly « Allain Leprest ». Cela ne s’est pas fait…
J’ai essayé de faire venir Marc Legras signer son livre à Rouen. L’ami Rémi Picard a tout fait pour ça. Milieu de l’édition !!! Cela ne s’est pas fait.
Je crois qu’une petite place de Rouen devait porter son nom. Je crois que cela n’est toujours pas fait.
… Ainsi va la vie…
J’étais allé 2/3 fois chez ses parents à Mont Saint-Aignan. L’ambiance était très joyeuse… tout le monde parlait en même temps. 
Je pense à Allain souvent. Forcément…
Je viens d’écrire cela pour Odile et mes Enfants. Mes Amis. D’autres personnes qui le sont moins mais en qui  j’ai pleine confiance.
Si vous avez envie.
Tapez sur Google : Allain Leprest Stéphane Rio et un autre jour Stéphane Rio Paris-Normandie… là, c’est Philippe Tual qui a pris le relai de Roger et ma foi il n’est pas mal du tout… sa pleine page en mars 2015 témoigne de cela.
Si vous pensez que j’ai écrit tout cela avec prétention, vous ne m’avez pas compris… Passez votre chemin… et supprimez le fichier !
Mais surtout ! Tapez Allain Leprest… pas mal d’inexactitudes sur Wikipedia… Bon ! Je ne recommence pas ! Je ne vais jamais en sortir !
 
Dans la maison de Franqueville le 12 janvier 2016 … et il pleut toujours…
 Il pleut sur la mer  chantait Allain…
 
 
 

 


 



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