Le Cotentin (Voce a Mano) (Allain Leprest / Romain Didier)
Janvier, le Cotentin Toute la côte est blanche Et sa tête de chien Hurle contre la Manche J'y allais pour guérir Des peines inguérissables Poncer des souvenirs Contre les grains de sable
Et la mer bonne fille La gorge à deux longueurs Des crocs de la presqu'île Me nettoyait le cœur Le Cotentin l'hiver Où les chagrins vont boire Jette vers l'Angleterre Son profil de clébard J'écoutais dans un bock Des airs made in british Et la pointe du roc S'endormait dans sa niche Et la mer bonne fille Au bras de Mick Jagger Sous le phare de Granville M'illuminait le cœur L'hiver, au Cotentin L'eau met le ciel en pièces Mais la brise retient Son cou de chien en laisse Pauvre pèlerinage Ma mémoire en kaki Traversait à la nage Un quadruple whisky Et la mer bonne fille Remorquant ses r'morqueurs Me prêtait ses béquilles Pour m'étayer le cœur L'hiver, le Cotentin J'en repartais tout seul En laissant mon chagrin Comme un os dans sa gueule Du sable rugissant Un verre de bière amer Des mouettes traversant Un tableau de Vermeer Et la mer bonne fille Me laissait sans rancœur Les trous de ses guenilles Pour me boucher le cœur
Garde-moi la mer (Allain Leprest / Yves Duteuil)
Garde-moi, la mer, garde-moi Blotti dans ton profond coma Avec ma gueule et ma fanfare Avec le vieux feu de mon phare Pareil qu´un briquet d´amadou Et ma manie de perdre tout Avec mes frusques avec mes tics Mes trucs De milliardaire sans fric Mes cris de noyé à la noix Garde-moi
Garde-moi, la mer, garde-moi Contre la grippe des frimas Contre l´âge et contre moi-même Contre les ennemis qui m´aiment Garde-moi contre ceux qui rient Qui comptent, qui gestent, qui prient Contre le vertige qui ment Et l´assassinat des serments Contre tout et tout contre toi Garde-moi
Garde-moi dans ton bikini Garde-moi au fond du tamis Garde-moi, la mer, comme on garde Sa vieille montre qui retarde Avec sa rouille et son heure fausse Avec les rendez-vous qu´on chausse Comme on garde un mini pays Un territoire tout petit Qui pisse dans son pyjama Garde-moi
Garde-moi, la mer, garde-moi Dans tes archives de cinéma Dans tes rouleaux de pellicule Garde-moi après la virgule Après la dernière cigarette Avec mes ongles et mes arêtes Avec mon cœur et mes travers Dilué tout au fond du verre Dans le ciel de ton estomac Garde-moi, la mer,
Garde-moi
À l'école, il prépare un CAP de peintre en bâtiment essentiellement pour rassurer ses parents, car il sait déjà qu'il se destinera à la chanson. Il écrit des textes dès son adolescence et commence à chanter dans les années 1970 dans des petits lieux de Normandie comme notamment le café-concert Le Bateau-Ivre à Rouen, entouré de ses amis Didier Dervaux, Fabrice Plaquevent, Jean-Luc Guillotin, Étienne Goupil, Maluel Gipouloux, Patrick Hangard et Martine Vépierre, sa première compagne.
Dans les premiers textes d'Allain Leprest, il y a "Rimbaud", mis en musique par Manuel Gipouloux.
La voix d'Allain Leprest est celle des débuts, elle n'a pas les mêmes "fêlures". Cette première version est enregistrée lors d'un spectacle au Centre Jean Prévost, à Saint Etienne du Rouvray, le 10 janvier 1981. Les musiciens présents ce jour là étaient
Michel Dalmaso, un musicien qui inventait des instruments à vents à base de bouteilles, de plastiques et autres matériaux composites. Sur Rimbaud, c'est le son très aigu qu'on entend derrière le saxo. Puis, le texte sera remis en musique par Francis Lai, et la chanson enregistrée sur l'album "Ton cul est rond"
Rimbaud Paroles : Allain Leprest
Pourquoi t´as si tôt couché les glaïeuls Ca t´aurait fait beau des rides sur la gueule Rimbaud Tu nous aurais fait un bath de vieillard Perdant des tifs blancs dessus son costard Corbeau Moi qui f´sais tenir tes œuvres complètes Sur les étagères d´ ma boîte d´allumettes Sans fable Si t´étais mort au troquet d´ la centaine Faudrait un camion pour louer tes poèmes Au diable Rimbaud Tu nous aurais fait une chouette tête de mort Si t´avais blanchi comme le père Victor Gamin T´aurais cultivé l´art d´être père-grand Si t´avais pris l´ temps un brin d´ traîner en Chemin Sous la tour Eiffel, avec les Dada T´aurais causé jazz, roman, cinéma Octobre
T´aurais découvert la sichanalyse Culbuté ta mère, branché dans les prises Ton zobe Rimbaud T´aurais sûr gagné l´Amérique en surf Fait des poèmes aux poilus d´ dix-neuf Cent-seize Les petits hommes verts t´auraient p´t-être admis Portier de service à l´Académie Française Ta canne à ton bras longeant la coupole Tu s´rais v´nu fleurir la tombe à ton Paul D´une rose La Croix du Mérite et celle du maintien S´rais-tu mort idiot, mon pote, on est bien Peu de chose Rimbaud Des lions d´Ethiopie sur env´loppe avion Dis donc, t´en aurais une chouette collection De timbres Une pipe d´opium entre tes caries Un chien borgne au bord de tes chaussons gris Vieux Rimb´ T´aurais vu l´ Guillaume su´ l´ pont Mirabeau Vous auriez poussé chez l´ami Pablo Ensemble Avec tes vieux poings dans tes poches crevées Si la gangrène avait pris l´ temps d´ bouffer L´aut´ jambe Rimbaud Y en a qui diront qu´ ça fait plus coquet, Quand on a tout dit, d´ partir avant les Ratures Que d´dans comme dehors, on reste sur la Terre Qu´après tout, on n´a qu´ l´âge de ses artères Arthur T´avoueras quand même qu´ c´est pas des manières D´ partir en laissant la moitié d´un verre D´absinthe Et pis d´enfanter une génération En laissant la mère sans rien, sans pognon Enceinte Rimbaud.
Au début de sa carrière, il exerce divers métiers comme travailleur social ou agent d'entretien. En 1980, à 27 ans, il va à Paris dans l'espoir de devenir parolier. C'est à Ivry-sur-Seine, où il arrive grâce à Jean Ferrat, qu'il a vécu l'essentiel de sa vie, familiale et artistique. Il est l'un des premiers invités de Leïla Cukierman qui a créé les « résidences chanson » au théâtre Antoine Vitez d'Ivry.
Jacques Laloë, ancien Maire d'Ivry, a toujours défendu l'idée que la chanson est une composante importante de la culture populaire au même titre que d'autres activités artistiques... Il était ami avec Bruno Coquatrix pour avoir organisé à plusieurs reprises les 1/2 finales des "Tremplins de la chanson" dont les finales se déroulaient à l'Olympia. C’était aussi un ami d'Allain Leprest qui a écrit pour lui "Ivry sur Mer" dont Gilles Langoureau a composé la musique.
Ne trouvant pas d'interprète pour ses chansons, il les chante lui-même à l'occasion de débuts dans des conditions difficiles, notamment au Caveau de la Bolée dans le quartier Saint-Germain-des-Prés. Il est hébergé, avec sa compagne Sally et ses deux enfants, par un couple d'amis d'origine rouennaise dans un deux-pièces du 15e arrondissement. Parallèlement, il publie en 1981 un ouvrage de poésie intitulé Tralahurlette (préfacé par Henri Tachan).
Il éclate lors du Printemps de Bourges 1985. Il tourne ensuite partout en France dans de nombreuses petites salles qu'il n'abandonnera jamais durant toute sa carrière, acceptant spontanément et généreusement d'« essuyer les plâtres » d'une première édition d'un festival ou d'un nouveau lieu de spectacle vivant.