Comment compose t'il ?
Loïc Lantoine : Moi, quand j'écris, c'est uniquement sur des émotions qui me guident. Et c'est pour moi le plus important, le but, plus que le propos en fait. C'est à dire que l'idée c'est d'être ému, alors ça peut être un sentiment de colère, un élan de fraternité, une tendresse amoureuse, peu importe, et peu importe ce que je vais raconter en plus. L'idée c'est que au moment où je mets un point final, je relis le papier et qu'je sente encore cette émotion exister. Parce que, finalement, une chanson, ça n'appartient pas à son auteur. Elle a autant de vérité que de gens qui l'écoutent. C'est plus une proposition. J'aime pas l'idée de prendre trop les gens qui vont nous écouter par la main, moi, faut pas trop interpréter, faut pas trop en mettre. L'idée c'est que les gens fassent leur petite cuisine.
J'ai déjà fait aussi du Gaston Couté, j'm'amuse régulièrement avec Michaux aussi. C'est à dire qu'moi j'ai démarré la chanson, .... j'me dit chanteur parce qu'il faut trouver un nom, je chantais pas, j'me présentais en faisant d'la chanson pas chantée, c'qui nous a piégé un peu, donc, l'intéret de cette forme d'expression, c'est que j'ai pas à m'caller, y'a pas d'musique à proprement parler, y'a la musique qu'est propre à la grammaire poétique, et puis y'a la musique du camarade, c'était François à l'époque qui faisait les musiques, qui apportait une parole à lui, et on s'faisait fracasser les deux. Et c'était assez agréable, même carrément beaucoup. Donc j'entends pas de musique à proprement parler et j'essaye de respecter la grammaire du poète en essayant d'en faire pas trop.
J'associe forcément la musique que mes copains étaient en train de jouer à ce moment, j'étais vraiment focalisé là dessus, c'est à dire que c'était la première fois qu'ils travaillaient ensemble, donc on s'retrouvait en résidence, et j'étais complètement baigné dans leur musique. Y'a Joe Doherty qui jouait dans "Sons of the desert" qu'est quand même très rock'n roll, c'est un irlandais qu'a pas la même esthétique que François Pierron avec qui j'ai toujours travaillé qui a des goûts très variés, mais qui à l'origine vient d'un milieu plus chanson, on a un batteur un peu fou qui lui, n'a peur de rien, Fil fait de la guitare un peu plus classique, c'est un grand ambianceur, alors à les voir travailler ensemble, ça me plaisait, j'étais baigné là dedans et je ne pensais qu'à ça. Alain Pilot : Quelle est sa part dans la composition, dans l'écriture de vos chansons ?
L. L. : La part de François ? Elle a évolué forcément puisque maintenant, on est plus. Y'a des morceaux qu'on a fait encore en tête à tête ... après c'est une écriture qu'est collégiale ... J'ai aimé préparer cet album (J'ai changé) comme ça. On a fait plusieurs résidences, dans des gites .... chacun avec ses instruments, et puis en fait, ce sont tous des improvisateurs aussi, donc ça boeuf. Et puis d'un seul coup coup, j'arrête les copains, j'leur dit stop ! Vous pouvez vous arrêtez là dessus parce que là, j'ai une émotion particulière qui vient de naitre, et puis, le temps de jeter quelques phrases sur un bout de papier, j'leur dit, c'est bon, repartez dans vos bêtises. Et moi, j'm'isole le temps d'finir l'affaire.
A. P. : Régulièrement, quand on a écouté des chansons de cet album, vous avez retiré votre casque. Vous n'aimez pas vous écouter ? Vous n'aimez pas vous entendre ?
L. L. : J'vois les coutures, j'entends les endroits où j'aurai pu faire autrement. Les chansons pour moi, elles m'appartiennent pas, elles sont projetées, c'est pour ça que j'adore faire de la scène. Une chanson a autant de sens que de gens qui l'écoutent. Alors forcémment, je préfère les laisser vivre. Et puis penser à la suite, que de m'écouter au casque, en plus, avec un son très flatteur comme ça, où j'me d'mande pour qui j'me prend. Forcément, pour faire des spectacles faut en rajouter un p'tit peu mais, j'ai l'impression d'être un gros craneur quand je m'écoute au casque.
A. P. : Mais vous êtes un gros craneur ... (rires)
L. L. : Un p'tit peu quand même ! (rires)
(écoute de Rude chameau)
A.P. : Ah ! Ils se sont pas foulés pour la fin là (rires) .... C'était prévu cette fausse fin ?
L. L. : Non
A. P. : C'est tel quel ?
L. L. : Bah oui, on garde ! .... C'est difficile ..... le studio, c'est quand même un exercice très difficile, et si on est trop appliqué ..... Evidemment qu'il faut du temps pour bosser en amont et tout ça, mais trop appliqué, ça donne quelque chose de froid, et là, donner la preuve à tout le monde que mes copains sont des imbéciles, ça me fait bien plaisir !
.........
A. P. : Pourquoi ce besoin d'être entendu ?
L. L. : C'est mon métier qui veut ça ! Vous savez l'écriture, bien sur j'ai un respect pour les mots, mais pour moi, ce sont des outils. Et puis si je pratique ce métier, c'est pour faire passer un moment à des gens. Sinon, rien ne vaut une bonne gamberge plutôt qu'une séance d'écriture. Voilà, c'est mon métier ! J'en ai un !
A. P. : C'est bien ! Depuis combien de temps ?
L. L. : Et bien, on se demandait ... on va dire 13 ans .... j'espère que ça ne va pas me porter malheur en traversant la route en sortant d'ici !