Loïc Lantoine en pleine réflexion d'écriture pendant les ateliers d'écriture d'Allain Leprest
Ecrire ? Apprendre à écrire ?
Mais Loïc Lantoine, dans la continuité des ateliers d'écriture d'Allain Leprest, prend parfois la place de l'enseignant, non pas pour apprendre à écrire, mais pour une émulation dans le partage des mots :
"Je travaille dans l’oralité, je suis un chanteur qui écrit pour être entendu. Je travaille dans la durée. C’est un moment, pas une page. Mon papa de métier, c’est Allain Leprest. Lui, c’est le patron. Si on veut faire de la chanson, il faut au moins regarder un petit peu comment ça se fait, et lui le savait."
Je t'écris - live en 2005 à Evreux
Francofans Mai 2004 Pour l'écriture, comment est-ce que vous vous répartissez les rôles ? Loïc : C'est François qui fait toutes les musiques. Mais nos méthodes changent. Comme je ne suis pas du tout musicien, au départ, au départ, j'écrivais les textes les textes et après François plaçait les musiques parce que je n'étais pas forcément capable de bien me caler. Maintenant, ça va mieux donc on peut fonctionner même à l'envers. François va écrire une musique et moi je vais faire un texte dessus. En fait on ne répète pas beaucoup, on fixe tout sur scène, on balance des trucs, on les teste avec le public. [...] Au niveau musical, est-ce que tu essayes de t'orienter vers d'autres styles ? Loïc : De toute façon, la musique c'est la part de François. Donc moi, mes influences musicales, c'est François Pierron ! François : Ben moi, c'est Loïc Lantoine ... En général, il y a un texte et moi, je rame pour savoir comment je vais raconter l'histoire à ma manière. Une fois que j'ai trouvé, ça va très vite. Dès que j'ai un truc en tête, une mélodie ou un rythme, je m'appelle sur mon portable pour m'enregistrer ! Et après, je galère pour transposer les idées que j'ai, de mon portable à ma contrebasse, ce qui explique pourquoi j'en fais un peu bizarrement. Loïc : Il a un jeu très SFR ! (rires)
Extrait de pas la peine de crier sur le thème du populaire - à propos des chansons : [A propos de "Mrs Mc Graph"] Marie Richeux : C'est une chanson, on ne sait pas exatement d'où elle vient .... c'est une de ces chansons qui se transmettent comme ça, qui probablement date pas mal du début du 19ème, une chanson qui a été beaucoup partagée par les soldats à différents moments de guerre en Irlande et ensuite dans d'autres pays. Qu'est ce que ça vous fait l'idée de chanson comme ça, qui traversent le temps, se chantent d'hommes en hommes sans qu'on sache qui exactement les a composées ou écrites ? Loïc Lantoine : Mais j'aime ça ! Y'a peut-être quelqu'un qui est malheureux de se dire "J'ai été oublié !" mais ça m'étonnerait, il est mort. Moi je trouve ça beau le partage, et puis surtout, on en parlait un petit peu tout à l'heure, c'est des chansons après qui vont accompagner des luttes, pour certaines chansons populaires françaises, qui ont pu servir à faire passer les nouvelles aussi, c'est quand même quelque chose d'incroyable ! Je trouve cette question redoutable parce qu'en plus, ça va me permettre de faire un lien avec ce qui suit .... grand moment de radio, j'suis très content d'être là .... c'est toujours sur ces questionnements populaire, il s'agit du "temps des cerises", pris sur un très bel album qui s'appelle "Aventi" par un pianiste qui s'appelle Giovanni Mirabassi. Et "le temps des cerises", on connait l'auteur Jean Baptiste Clément, mais y'aura pas de paroles, c'est uniquement une évocation au piano, et un album qui s'appelle "Aventi" qui reprend des chansons de lutte, piano solo. Voilà un exemple dingue, une chanson d'amour qui est très simple, qui a ccompagné quand même la Commune et en est devenu un symbole alors qu'elle a rien à voir dans son propos avec ce trajet là. Les chansons peuvent avoir des destins incroyables quand même, et parfois terrible, parfois elles sont mal comprises. Il y a quelques années, Gilles Servat avait du réécrire une chanson parce que sa chanson, l'"hermine blanche", avait été réutilisée par le Front National parfois, donc il a du réécrire "ne touchez pas à l'hermine blanche". Là pour le coup, c'est sur un territoire qui me va un peu mieux, et elle a connu une histoire pas possible, et encore aujourd'hui, le "temps des cerises" peut être chantée, alors qu'il s'agit d'une chanson d'amour, avec un poing dressé. Je trouve ça très beau ! MR : D'ailleurs, c'est un des points communs à tout ce que vous avez proposé à l'écoute, ce sont les mots. D'ailleurs, vous avez même dits qu'Allain Leprest avait une écriture photographique, il se trouve que Raoul [De Godewarsvelde] , était fils de photographe et photographe lui même pendant un temps, et donc travaille des images dans l'écriture, travaille des textes qui travaillent des images qui travaillent des histoires. Là, vous nous emmenez vers quelque chose où il n'y aura pas les mots, mais est-ce que c'est quelque chose qui est important pour vous dans l'idée de musique ou de chanson populaire, ces mots ou ces histoires qui se racontent à travers une chanson. LL : Bah j'ai découvert la chanson, j'suis tombé amoureux de cette façon dont on peut passer ... il s'agit pas d'être synthétique .... en fait c'est tellement dense une chanson, et j'suis pas quelqu'un de patient. Et on peut raconter tellement de chose, surtout que, on parle des mots mais j'fais pas partie de ces gens qui ont une admiration folle pour les mots, j'm'en moque complètement, c'est un outil ... MR : Tout en aimant la poésie ... LL : Oui, mais c'est pas les mots que j'aime dans la poésie, c'est la manière dont on peut retranscrire une émotion, c'est pas la retranscrire, c'est la proposer, c'est à dire de provoquer une émotion quelle qu'elle soit. En fait, c'est l'unique but de mon boulot à moi. Peu importe ce que je vais raconter, le sens que je vais raconter, j'ai pas l'impression de passer des messages, mais c'est de permettre à des gens qui sortent du boulot ou qu'on pas d'boulot, c'est là que j'interviens, c'est 20h30, c'est pas compliqué, c'est la même heure que Mimi Mathy ou Navarro, et l'idée, c'est de faire passer des émotions fortes. Alors j'essaie de faire du super Mimi Mathy, ou du super Navarro. J'essaie. MR : Pourquoi est-ce que c'est plus fort parce que c'est condensé ? LL : Oh, c'est pas forcément plus fort. J'suis quelqu'un d'impatient, mais avant de découvrir la poésie, j'ai un peu ramé à 1000 mètres, et quand j'ai découvert ... MR : A 1000 mètres de la poésie ... LL : Non, à 1000 mètres dans la littérature, mais j'ai l'coeur tordu rien que de repenser à Notre Dame de Paris, par exemple, où il y a un souffle incroyable et une tendresse infinie. J'ai toujours pensé que l'écriture, c'était un sport de canaille, mais la preuve que non, un fils de général comme Victor Hugo peuvent faire des choses qui sont de l'ordre de la pureté même. MR : C'était peut être qu'il était canaille à un endroit de lui même ... LL : Certainement ................................................................. MR : Vous n'avez pas vraiment d'instrument particulier. Là, on vient d'entendre une partition de piano qui explose comme ça pendant plus de deux minutes. Y'a aucun instrument qui vous donne comme ça particulièrement envie de venir dessus, poser votre voix, poser votre texte. Vous l'avez fait avec une contrebasse dans un très bel album, est-ce que chaque instrument peu vous inviter de la même façon. LL : Oui, ça dépend comment c'est joué. La contrebasse, c'était plus pour François que pour .... il aurait joué d'un autre instrument ... c'était une histoire de bonhomme. De la même façon, raconter des histoires, c'qui compte, c'est les gens qui vont écouter. La réalité, elle est là, alors on s'excuse un peu d'avoir fait des petites balafres dans le réel, mais l'émotion, elle tient aux gens qui sont dans le public. Y'a autant de réalités à c'qu'ils vont entendre que c'qu'on fait. Un instrument peut évoquer c'qu'il veut à partir du moment où la personne qui le joue en est convaincue, si on veut faire un éléphant avec un picolo, y'a pas de problème, il suffit d'en être sur et d'être suffisemment généreux pour le faire entendre. MR : Ils sont toujours créés avant ces textes, ou bien entendre jouer François, entendre jouer d'autres gens vont vous mettre sur un sillon d'écriture singulier. LL : Ca a bougé. Au tout départ, y'avait pas d'copains, donc y'avait qu'des textes. Et puis après, j'ai pris beaucoup de plaisir à m'ouvrir à l'imaginaire des autres et puis forcément de partir en écriture. Mais parfois, j'ai été inspiré par des musiques qui sont pas restées. les gars ont voulu changer les musiques ou François .... et puis ça dépend, on s'laisse aller et puis on s'arrête quand on est à peu près content .... en fait, c'est pas quand on est content, c'est quand on a le sentiment, en maintenant une petite schyzophrénie, qu'on est ému un peu comme si on était du public. MR : Ah ! C'est à dire que c'est par l'extérieur , c'est en se metant un peu à l'extérieur de ce texte, comme si vous le receviez en tant qu'auditeur que vous pouvez vous dire :"ça, ça tient debout !" LL : Oui, il faut que je retrouve ce qui m'avait animé à peu près au départ, je dois le retrouver à peu près intact après mon massacre ... voilà ... MR : Le petit massacre qui serait l'écriture ... LL : Bah oui, forcément ! Parce que l'écriture c'est du gachis, le réel est bien plus beau. Mais si on veut partager les choses, il faut bien utiliser des outils, l'écriture en est un, et donc j'espère pas trop abimer la réalité de ces émotions qui m'ont animées au moment où j'ai démarré le truc. MR : On peut partager sans écrire. Ca veut dire qu'il y a quand même un avantage que vous trouvez dans l'écriture. On peut partager, on peut vivre tout simplement. LL : Oui, mais quand on veut vivre un peu à l'unisson, on a besoin de choses qui nous rassemblent et c'est pour ça que je trouve mon métier très joli. mais mon métier, je le trouve très joli dans la résultat, pas dans sa matière. MR : C'est quand même assez agréable à faire parfois ou pas ? LL : Très, très ... MR : Tout à l'heure, on entendait Olivier Broche qui disait "ne pas lire tant que ça de poésie, voir n'en pas lire du tout", et vous avez chuchoté dans une barbe que vous avez assez courte "Ah ! Ca, c'est pas bien joué !". Je ne sais plus exactement ce qu'a été votre formule, mais ça a été genre "Dommage :" LL : Ouais Dommage ! C'est ça ! MR : Quels sont les poètes qui vous accompagnent en ce moment Loïc Lantoine. LL : Ca fait longtemps que c'est les mêmes. J'suis plus tellement au courant, et de toute façon, j'suis pas assez actif là dessus pour connaître un petit peu ce qui se passe. J'évoquais Norge tout à l'heure, qu'est vraiment important pour moi, Michaux, Jules Supervielle qui est vraiment pour moi l'écriture la plus pure que je connaisse. Voilà, y'en a plein ... MR : ... parmis ceux là ... LL : Ouais, et d'autres ....