Extraits de l'interview d'Hélène Haséra pour "chanson boum" sur France Culture (mai 2013) :
Hélène Hazéra : Est-ce que tu penses à la façon dont les gens vont interpréter tes chansons ? Quand tu écris et quand tu chantes ?
Loïc Lantoine : Pas vraiment. En tout cas, tout ce que je sais, c'est qu'ils ont raison, à partir du moment où ils l'interprètent. L'idée, c'est d'en faire pas trop ... bon, des fois,  j'me piège par plaisir .... mais pour laisser justement les gens interpréter. Pour moi, une chanson, elle a autant de vérités que de gens qui l'écoutent. 
H. H. : Enfin, tu imagines que "je ferme", ça peut être pris d'une façon extrèmement pessimiste par certaines personnes ?
L. L. : J'espère que l'espoir transpire. Je sais qu'il y a des gens qui vont, là dessus, penser qu'on parle d'un bistrot qui ferme, et des gens, me parle des fois de leur usine, des gens qu'on connu des histoires pareilles ... J'espère que c'est pas une chanson pessimiste. Alors après, peut être que je me suis un peu gamellé. 
H. H. : C'est juste la formulation, le côté "je ferme", j'me suis dit, c'est quelqu'un qui dit qu'il en arrive à la fin. Mais tu voulais laisser une petite idée de désespoir total dans ta chanson.
L. L. : C'est une mauvaise nouvelle qui m'a poussé à écrire cette chanson, donc forcément, y'a cette phrase. Le refrain, de toute façon, les chansons, c'est toujours un petit peu de l'escroquerie, mais là, celle là en est particulièrement une puisque le refrain n'est pas de moi. C'est la patron de ce bistrot en question qui fermait son bistrot tous les soirs en disant "Messieurs-dames, j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle, la bonne, il pleut pas dehors, la mauvaise, je ferme".
H. H. : C'est une citation
L. L. : Voilà ! Et puis un jour, il a fermé pour de bon et il a eu bon à sa chanson
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H. H. : Une des techniques anciennes pour écrire les chansons, je parle du 18ème, 19ème, c'est, on faisait un plan, comme pour une pièce de théâtre. Ensuite, fallait trouver sur quelle mélodie on allait faire la chanson, puisque les gens composaient des chansons sur des mélodies pré-existantes. Ensuite on trouvait le refrain, puis voilà, la chanson était faite. Toi, tu écris au fil de la plume, ou ... ?
L. L. : Beaucoup, mais il faut quand même savoir où on va, c'est à dire, faut savoir où on va et même à l'intérieur d'une chanson. Y'a deux p'tites techniques que j'ai en tête, puis même, pour ceux qui s'amusent à écrire des chansons, j'les trouve très efficaces. J'la tiens pas d'n'importe qui, y'en a une de Brassens qui disait qu'une chanson, ça s'écrit à l'envers. Effectivement, parce que des fois, le tort, ça peut être de mettre la meilleure phrase au départ et après de décliner, et puis voilà, après on se noie. Et lui expliquait qu'il fallait mettre le meilleur après pour aller vers ça. Et à l'intérieur de chaque strophe, et ça c'est un truc de Leprest qui est hyper efficace, la rime, qui faire sens et qui va faire avancer l'histoire, c'est de la mettre en 2ème. C'est plus agréable à écrire, c'est, du coup, un peu plus décallé, ça marche bien. 
Pour le reste, oui, c'est parti comme moi, quand j'y vais, j'veux pas louper le train de l'émotion, alors j'y vais le plus vite possible, parce que sinon, après, si je ressens rien, j'écris rien. 
H. H. : C'est quoi la musique des chansons de Loïc Lantoine ? 
L. L. : Ca faudrait demander à mes collègues, ce sont en tout cas, pour moi, des musiques qui portent du sens, mais qui ne sont pas illustratives du texte. Donc, voilà, j'suis associé à une bande de conteurs, et on essaie d'arriver à une petite vérité ensemble. 
H. H. : Des conteurs musicaux, qui content avec leurs instruments.
L. L. : Oui, parce que j'aime pas trop le fait d'illustrer les textes, alors c'est pour ça que j'aime partir sur des musiques qui m'évoquent des choses, et j'en extrait une petite histoire, sachant qu'à l'intérieur, y'en a une infinité. Voilà un exemple, mais y'en a d'autres. 

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H. H. : Depuis le début, je voulais parler de ça .... c'est la forme, chez toi, qui est quand même assez éblouissante ! "Je te ferai rire / Danser sur le pire / Si tu bois des larmes / T'en feras des armes". On a l'impression, et très très vite quand tu as commencé à écrire, en tout cas, à te produire avec tes textes, c'est ça qui a, enfin, je pense, qui en a frappé beaucoup, c'est ton agilité à faire des choses, dans un format, avec une forme très précise ...
L. L. : Oui, c'est fait pour être entendu. J'suis pas musicien, j'me lisais les textes un peu à haute voix. J'avais envie, quand même, d'avoir un peu une rythmique. Mais encore une fois, rentrer un propos à l'intérieur d'une forme, ça oblige à le maltraiter un petit peu. C'est finalement, c'est un bon allié, c'est pas une difficulté. C'est à dire qu'au lieu de partir sur des évidences, on va devoir maltraiter un petit peu la petite émotion qu'on trimballe et c'qu'on est en train de dire, pour le faire rentrer dans une forme qu'on a décidé.  Et je pense que finalement, ça facilite les choses. 
H. H. : C'est pas la forme qu'est la plus importante des fois ? La forme est tellement éblouissante, on a l'impression qu'elle est presque pré-existante à l'inspiration. Tu as une espèce de machine à sortir du ver. En plus, t'es pas tellement alexandrin, alexandrin, alexandrin ... Tu changes d'une mesure de ver à une autre.
L. L. : Non, le ver dans la chanson, c'est souvent l'octosyllabe, il m'semble. Mais effectivement, j'aime bien changer de forme pour pas me répéter, et puis justement pour m'obliger à aller ailleurs. Mais effectivement, la forme, j'pense qu'elle est importante puisque, si on décide que le sens appartient aux gens qui écoutent, faut bien qu'il me reste quelque chose à faire. 
H. H. : Mais d'où elle te vient cette forme ? Cette sureté de forme ? Tu as lu beaucoup de poésie ? 
L. L. : Fin d'adolescence, oui j'ai passé du temps à lire beaucoup de poésie, alors même que j'écoutais pas de chanson puisqu'elle était complètement ringardisée. J'écoutais des trucs que j'comprenais pas, et je lisais de la poésie que j'comprenais pas toujours, mais de plus en plus. J'ai réussi à m'décomplexer, j'peux me sentir encore un petit bête devant un concert de jazz, mais j'ai plus la peur du poète ! Alors que c'est quand même quelque chose qu'est assez terrorisant pour beaucoup de gens, mais il suffit de pratiquer un petit peu et d'se dire, si je comprend pas, c'est qu'il est pas clair.
H. H. : Quand est ce que tu as compris que, bah les rimes, tu pouvais aussi rimer, tu pouvais aussi mettre les mots en format ? 
L. L. : Comme tout le monde, à un moment, tout le monde s'y est essayé une fois en cachette. Moi, j'ai eu la chance de rencontrer Allain Leprest qui a complètement ...
H. H. : changé ta vie.
L. L. Complètement oui ... J'le raconte souvent, mais, il m'a dit "toi tu devrais écrire !". J'l'ai fait. Bon, j'me suis bien aperçu après qu'il le disait à tout le monde. Mais c'est vrai, j'fais partie des imbéciles qui l'ont fait, et j'me suis retrouvé chez lui, tout tremblant, avec mes papiers lillois ... 
H. H. : C'est très très intéressant ! On a essayé une fois d'écrire une chanson, mais on a jamais réussi à rien ensemble, mais j'ai vu comment il faisait des cases dans lesquelles il mettait des mots. C'est très intéressant sa technique d'écriture. 
L. L. : Bah voilà justement encore ... A partir du moment où on tient à garder une émotion intacte, bah en se mettant des batons dans les roues, en s'obligeant à tordre les mots pour garder le sens parce qu'on a imposé des formes et des mots à certains endroits, on arrive à quelque chose de plus étonnant, qui est moins donneur de leçons finalement. C'est pour ça qu'Allain, c'était des images foudroyantes aussi parce qu'il s'imposait le fait de retomber sur ses pattes après des audaces. Et c'est vrai que c'était assez rigolo. On avait des fois l'impression que c'était un puzzle un brouillon de Leprest. 
H. H. : En fait, il faut prendre des risques si on veut gagner à la fin.  Faut prendre beaucoup de risques. 
L. L. : Parce qu'il faut maltraiter la forme, et maintenir le sens et l'émotion contre vents et marées, sauf que la tempête, c'est nous même qui devont nous l'imposer. Alors on se met des batons dans les roues, et au résultat, moi j'trouve ça plus simple, et en tout cas, c'est plus étonnant ! 
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H. H. : Loïc Lantoine, vous n'avez jamais eu envie d'écrire pour les autres ?
L. L. : Si, j'l'ai déjà fait, j'ai même commencé par ça parce que, la première chose que j'ai faite, c'était un album pour JéHan, co-écrit avec Allain Leprest. Et puis, bah si, c'est pas évident, parce que j'ai vraiment besoin d'être au contact de la personne, c'est à dire m'enfermer chez moi en m'imaginant ce que peut être quelqu'un, j'y arrive pas trop. Faut que j'sois vraiment au contact de la personne avec la musique. 
H. H. : L'entendre parler, et se servir de ce qu'elle veut dire dans sa conversation.
L. L. : Oui voilà. Sinon, j'vais rester chez moi, et la chanson j'vais la garder.
H. H. : Y'a des fois, c'est vraiment du sur mesure, des chansons pour quelqu'un.
L. L. : Oui, j'suis vraiment pas un spécialiste. Quand j'ai commencé ce métier, j'pensais faire ça, mais j'me sentais incapable de tenir une scène, et évidemment de chanter.  Donc, j'avais cette idée là, et j'me suis fais piéger, un peu à la Bobby Lapointe, qui voulait que ce soit des femmes qui chantent ses chansons, lui qui à force de les présenter s'est retrouvé catapulté sur scène, moi, j'me suis retrouvé à faire des premières parties parce que j'osais pas faire lire les textes, parce que ça me terrorisait. Alors je préférais les dire,  car j'avais le sentiment de contrôler un peu plus le sens. D'où le début de ce malentendu qui se poursuit.


Extrait de l’ interview Toulouseblog : Loïc Lantoine, un orfèvre des mots.
Pour ceux qui ne te connaissent pas encore : Comment est venue l’envie d’écrire ?
Je crois que l’envie d’écrire, tout le monde s’est déjà posé cette question. Pour ma part, c’est Allain Leprest qui m’a dit un jour, « toi, tu peux et devrais écrire ». Je me suis mis à écrire tout le temps même si ça ne le fait pas toujours. Après, j’avais une grande crainte de partager mes textes et mes émotions devant le public, mais il y a aussi une belle excitation. Je l’ai donc fait naturellement. Il faut avouer aussi, que quand je me suis mis à les interpréter, je n’étais pas musicien – je ne le suis toujours pas d’ailleurs-. C’est la rencontre avec François Pierron à la contrebasse qui a été le déclencheur.
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Comment s’est passé le processus créatif à plusieurs ?
On s’est retrouvé en résidence à droite à gauche, chacun bossait de son côté, proposait des choses. Une fois qu’ils avaient développé une idée, je partais m’isoler pour trouver la meilleure alchimie. Parfois je trouvais quelque chose de définitif, parfois c’était l’inverse. Avec François déjà, on procédait comme ça. Les textes préexistent avant la musique. Je cherche de nouveaux horizons mais toujours dans la logique de mon travail.
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Là tu es en tournée, la suite s'inscrire aussi dans un l'écriture d'un nouvel opus ?
On continue de tourner pendant un bon petit bout de temps. Et puis je vais me reposer tranquillement en me baladant, et mettre en place des résidences. Pour l’écriture, c’est une affaire d’émotion. Pour cela, je dois perdre mes repères. Je vais découvrir des villes où personne ne va ! Je vais prendre la température, naviguer un peu. « Voyager , c’est s’appauvrir » dans des moments pas flamboyants. Et j’en reviens plus fort ! 

 

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Ce n'est pas forcément le texte qui est écrit avant d'être habillé d’une musique. Il peut arriver aussi qu'une musique émerge pendant des sessions d'improvisation, et c'est alors le poète qui l'appelle. De ces petits bouts de musique naissent les mots. Mais toujours, la musique est pensée comme un collectif, où le pluriel nourrit chaque histoire. Les mots sont les guides et indiquent à la musique comment les porter.
 
Loïc Lantoine et la musique
 
Loïc Lantoine et ses musiciens










 



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