Loïc Lantoine, le cœur du poète
 
Par Marie-Catherine Mardi
 
Nouvel album, J’ai changé

 
© Hamza Djenat
Loïc lantoine 2013

08/05/2013 - Presque dix ans après le premier uppercut du fracassant Badaboum, Loïc Lantoine revient avec son troisième album studio, J’ai changé. Toujours incisif, encore plus tendre. On avait hâte de le retrouver, on n’est pas déçu.
"C’était chez vous surtout chez moi/Vous étiez roi j’étais le fou/On riait doux on pleuvait droit". L’album s’appelle J’ai changé, mais ce sont sans doute ces trois premiers vers de Je ferme qui, dès l’ouverture, le résument le mieux. Car Loïc Lantoine n’a pas changé tant que ça.
 
Sur l’enregistrement comme sur scène, la voix rocailleuse saisit d’entrée, colle le frisson, tant par l’émotion qu’elle dégage que par les mots qu’elle porte. "Je ne suis pas tout à fait le même bonhomme mais j’espère que je suis encore le même. Rien n’a changé, j’ai des goûts, des envies différentes. L’idée, c’est d’avoir les mains moites en permanence."
Ce qu’on remarque surtout, c’est que l’artisan de la "chanson pas chantée" s’est mis à chanter. Avant, il faisait "avec les moyens du bord" : "Ça n’était pas une esthétique. Je pensais que j’étais absolument incapable de chanter. Puis on a repris Brassens dans le spectacle Les étrangers familiers avec la Compagnie des Musiques à Ouïr. Ça m’a décomplexé, j’ai de plus en plus de plaisir à le faire. Ce qui est rigolo, c’est qu’aujourd’hui encore, j’entends ‘c’est marrant, on se rapproche du chant là’, alors que moi, j’ai l’impression d’être Maria Callas… voilà, c’est ma croix ! L’histoire de la chanson pas chantée nous faisait rire, mais ça ne veut rien dire. Parfois, on m’a dit ‘vous êtes un précurseur du slam’, mais pas du tout. Je suis un imbécile d’Armentières qui ne sait pas quoi faire de sa vie."
 
Les carnets de poésie

Quand on lui parle de poésie, le chanteur confie en avoir lu beaucoup, de Francis Ponge à Jacques Prévert en passant par Henri MichauxJules Supervielle et Norge, qu’il chante sur scène. Mais il ne se considère pas comme poète : "Je travaille dans l’oralité, je suis un chanteur qui écrit pour être entendu. Je travaille dans la durée. C’est un moment, pas une page. Mon papa de métier, c’est Allain Leprest. Lui, c’est le patron. Si on veut faire de la chanson, il faut au moins regarder un petit peu comment ça se fait, et lui le savait." C’est d’ailleurs à lui que l’album est dédié.
La page n’est pas figée, pourtant on ne trouvera pas d’autre mot pour décrire la démarche, l’intention, le verbe, notre sensation d’auditeur touché au cœur. Du "bégaiement amoureux" de C’est toi qui moi aux "sacrées conneries" de jeunesse perpétrées avec ses copains de La Rue Kétanou évoquées dans Même pas honte, de la main qu’il tend Au bord de la falaise à l’intimité déclamée des sentiments dans Ne bouge pas. De l’exercice de style brodé autour d’une phrase de sa grand-mère dans Rude chameau à la déclaration d’amitié de Lui.
 
Une histoire de bonhommes
Loïc Lantoine n’est pas Funambule non plus, à l’écouter. Sous le chapiteau rock ou blues, il se promène malgré tout sur le fil des notes tissées par les musiciens-compositeurs qui l’accompagnent également sur scène : son vieux complice François Pierron à la contrebasse, l’Irlandais multi-instrumentiste Joseph Doherty aux cordes, Eric Philippon aux guitares et Thomas Fiancette à la batterie.
Les copains, encore, toujours, ce sont eux qui donnent la couleur musicale : "J’ai commencé sur du contrebasse-voix, pas parce que c’était de la contrebasse, mais parce que c’était François. Les gens avec qui on joue sont ceux avec qui on avait envie de jouer, c’est ce qui compte avant tout. Moi, je n’ai aucun lien à la musique, je suis un humilié total de la musique. Elle me fascine autant qu’elle me fait peur. Quand je fais des spectacles, je ne me pose pas la question. Mais c’est vrai que j’ai toujours l’impression d’être le mec qui joue avec des putains de musiciens. Je me fais régulièrement engueuler, mais je n’arrive pas à me mettre dans cette position."
Les copains et les copines aussi, puisque Loïc Lantoine a invité Fantine Leprest, la fille d’Allain, à venir faire les chœurs sur un titre : "Je la connais depuis toute petite. J’aime comme elle chante parce qu’elle est droite, elle n’en rajoute pas. C’est gracieux et très tendre."
On aura attendu longtemps ce troisième album, écrit en fait depuis plus de deux ans : "J’avais vraiment envie de l’enregistrer après l’avoir fait tourner. Jean Corti (ancien accordéoniste de Brel, ndlr.) m’a dit un jour : ‘Vous les jeunes, vous faites tout à l’envers. Nous à l’époque, on écrivait des chansons, on les faisait tourner une saison, et après on rentrait en studio. En trois jours, on les cartonnait. Vous, vous faites des chansons que vous ne connaissez pas et après vous partez en tournée, c’est bizarre.’" Le chanteur et ses camarades ont donc sillonné les routes avant de confier la réalisation de J’ai changé à Daniel Yvinec (directeur de l’Orchestre National de Jazz, ndlr).
Le père de Loïc Lantoine lui a dit un jour : "Aujourd’hui quand on veut la lune, on n’est pas poète, on est cosmonaute." Cher M. Lantoine, on est bien content que votre fils soit chanteur. Du coup, il peut nous emmener avec lui.
 
Loïc Lantoine J’ai changé (Silène) 2013









































 



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