"Je ne suis pas tout à fait le même bonhomme mais j’espère que je suis encore le même. Rien n’a changé, j’ai des goûts, des envies différentes. L’idée, c’est d’avoir les mains moites en permanence."
Loïc Lantoine
Tous droits réservés La Silène / Astérios / Vanessa Dupuis
Textes : Loïc Lantoine Musiques : Éric Philippon, Joseph Doherty, François Pierron et Thomas Fiancette Réalisation artistique et arrangements : Daniel Yvinec
Il a changé, il va mieux, merci ! Déjà presque dix ans que le loustic Lantoine fait tanguer la langue, chavirer la rime et culbuter les strophes. Avec son complice et alter-égal François Pierron, le chantre de la « chanson pas chantée » a baroudé de bars en gites, de clubs en bouges avec une inaltérable constance et trois albums sous les aisselles : Badaboum, premier essai tapageur en 2004, suivi de Tout est calme deux ans après et du live À l’attaque, en 2008, ont forgé sa réputation de poète routard déglinguant les conventions littéraires et musicales avec un bagout et une pépie dignes d’un Bukowski ch’timi ou d’un Tom Waits nordiste. Sans oublier ses multiples avatars artistiques, du collectif Mon Côté Punk à la Compagnie des Musiques à Ouïr, au sein de laquelle il revisite aussi bien Brassens que Brigitte Fontaine. Mais foin des références et des comparaisons, il est unique, Loïc. Lui qui, au tout début, se voyait en humble parolier dans l’ombre d’un Allain Leprest est devenu une sorte de troubadour trublion, de cascadeur du quatrain, de rude chameau chamanique capable d’émouvoir en rugissant, de rougir en se mouvant et de chambouler son public plus sûrement qu’un grand huit dans un parc d’attractions. Bête de scène. Malgré lui, affirme-t-il : s’il s’est un jour lancé sur les planches, c’est parce qu’il préférait dire ses textes plutôt que de les faire lire. Un malentendu qu’on ne se lasse pas depuis d’écouter. Il a changé, Loïc Lantoine. C’est du moins ce qu’il prétend dans le titre de ce nouvel album, aux chansons rodées comme d’habitude sur scène, pendant deux années de tournée. Histoire de se les mettre en tête et en bouche avant de les enregistrer, pratique peu commune qu’il tient de Brel. C’est vrai, y’a du nouveau dans cet album. Si l’on y retrouve la familière diction rocailleuse et les singuliers sonnets en vers et contre tous, on ne peut pas ne pas remarquer que le champion de la chanson chahutée s’est mis à… chanter : « Ça me terrorisait, avoue-t-il, je pensais que ça n’était pas à ma portée, et puis petit à petit… Je suis un complexé de la musique, ce qui a l’avantage de m’émerveiller chaque fois qu’on m’en propose une qui me plaît. Je fais confiance aux gens avec qui je travaille. » Car Loïc Lantoine le duo est devenu Loïc Lantoine le gang. Outre l’irremplaçable François Pierron à la contrebasse polyvalente, trois complices partagent désormais l’aventure : Joseph Doherty, multi-instrumentiste irlandais vu avec Sons of the Desert ou Akosh, le guitariste Éric Philippon, dit Fil, transfuge de La Tordue, et le batteur Thomas Fiancette. Pour souder cet éclectique club des cinq, il fallait un lien, un regard extérieur, un arrangeur ni trop arrangeant ni trop dérangé : Daniel Yvinec, musicien maestro et directeur de l’Orchestre National de Jazz, a signé une réalisation à la fois dense et précise, aux subtils détails sonores, cordes accortes et chœurs à corps, guitares tartares et percussions soniques. Résultat : douze morceaux riches et variés, âpres et tendres à la fois, chroniques amicales ou amoureuses, chansons à boire et à déboires, cris du meilleur cru d’un Loïc Lantoine au sommet de son souffle et de sa verve. Ainsi la chanson qui donne son titre à l’album, J’ai changé, prétexte à un puzzle de jeux de mots sur fond de guitare punkoïde. Un album qui scande l’amitié (« J’y peux rien, je carbure à ça » avoue le responsable), comme dans « Au bord de la falaise », émouvante ode à la fraternité ourlée des vocaux de Fantine Leprest. Ou « Même pas honte », souvenir d’épiques bamboches vécues avec les potes de La Rue Kétanou, ainsi que « Lui », affectueuse dédicace à un copain idéal, « à la fois ange et couillon ». Un album qui parle d’amour aussi, avec « C’est toi qui moi », déclaration enflammée sur violonades psyché-planantes, « Ne bouge pas », autoportrait de l’artiste en vieux chien transi, ou « Olympe », berceuse de bienvenue pour la fille de Fil, le guitariste, née pendant une tournée. À propos de tournée, « Je ferme » évoque la disparition d’un bistrot lillois, convivial comptoir de rencontres désormais muré derrière un rideau de fer. De quoi demeurer un « Rude chameau », expression empruntée à la grand-mère d’un Loïc qui raille par ailleurs son propre côté looser, dans un « Funambule » en équilibre sur les cordes nylon d’une guitare classique. Du « Grand matin », vision ludique des manifs en marche vers le grand soir, à la « La grande route », final quasi-symphonique au texte mystérieux et bouleversant, tout l’album chemine ainsi, entre passion fiévreuse, transe pudique et liberté revendiquée. « Je n’écris que si je suis ému » affirme le responsable. Ça s’entend. Loïc Lantoine est revenu. Il a changé, mais pas trop. Juste ce qu’il faut. En mieux. Merci !
Je ne pouvais pas éviter une question : Ton album se nomme « J’ai changé », mais en quoi as-tu changé ? (Rire) C’est une question qui revient souvent. Je crois que j’ai du inconsciemment faire exprès de prendre ce titre. En tout cas, c’est le titre d’une chanson de l’album. On en a discuté tous ensemble et elle paraissait être la bonne chanson pour un titre d’album. Je ne vais pas chercher trop loin mes titres. Après, j’écris de manière discontinue. Des jours, j’écris des vers d’une chanson, d’autres jours d’autres chansons. Donc entre le début et la fin de l’album, j’ai changé. Je m’épuise, je vieillis, je ne suis plus le même bonhomme qu’au début. C’est une évolution. Une envie de casser le moule, se mettre en danger. Comme l’est l’album : une mise en danger musicale et artistique.
Le 12/11/2013 Il est de retour, « Lantoine », avec sa voix ébréchée, ses amours désespérées, ses amitiés indéfectibles, ses coups de gueule, de poing et de sang. Et on l'aime toujours autant. Il dit : « J'ai changé », c'est même le nom de son nouvel album, mais on ne le croit pas. Ce type-là ne change pas : c'est juste ses chansons qui ont gagné en profondeur, en muscle et en ampleur. « Ce titre, c'est d'abord parce que nous sommes cinq au lieu de deux, explique-t-il, et que j'espère bien ne plus être celui que j'étais quand j'ai commencé. Il est essentiel de se remettre en question. Sinon, on refuse l'idée d'évoluer, d'avancer... » On est heureux qu'il ait demandé aux fortiches Joseph Doherty, Thomas Fiancette et Eric Philippon de rester, après la dernière tournée, écrire avec le fidèle contrebassiste François Pierron ces nouveaux morceaux. Si le funambule Lantoine continue d'arpenter son fil tendu entre l'esprit du punk-rock anglais et la lettre traditionnelle française, il n'a pas hésité, pour apprivoiser l'équilibre, à se jeter sans filet là où il excelle : sur scène. « On est allé jouer ces nouvelles chansons un peu partout, non pas pour les tester sur le public, mais sur nous. Combien de fois, longtemps après avoir enregistré un morceau, s'est-on dit, "Si je devais la refaire aujourd’hui, je ferais autrement" ? Mon ami Jean Corti, qui était l'accordéoniste de Brel, m'a confié que le Grand Jacques procédait de la même façon. » Si vous n'avez jamais vu Loïc Lantoine sur scène, courez-y. Ce type, ultra timide en coulisses, devient sur scène un interprète survolté et sublime, un écorché vif à la sensibilité bouleversante.
"J'ai changé" sur la musique d'Emily, avec les paroles d'Emily chantées par Christian Olivier.
il a changé il a muri il a grossi ça va mieux Merci !
il progresse il gère i's'soigne ça va mieux Merci !
Vidéo officielle tournée aux Trois Baudets, à Paris. Réalisation : Laurent Benhamou -- Crunk ... avec la participation exeptionnelle de Jagger, le copain de poche de Joe.
"Je ferme " en live en 2010
C'est aux Trois Baudets qu'auront lieu trois concerts pour fêter la sortie de ce nouvel album, les 25, 26 et 27 avril 2013. Quelques extraits de ces concerts :
Alain Pilot : Le refrain de cette chanson "Je ferme", il n'est pas de vous ? Loïc Lantoine : Non ! Il n'est pas d'moi ! C'est drole d'ailleurs de mettre en avant une chanson dont le refrain n'est pas le mien. C'est celui de mon ami François qui tenait un bistrot dans mon quartier à Lille, de Wazemmes, qui s'appelait le "Va Zen" et tous les soirs il nous sortait comme ça quand il était l'heure de fermer "J'ai une bonne et une mauvais nouvelle ! La bonne : "il pleut pas dehors" et la mauvaise "je ferme" . A. P. : Ca parle justement de ce bar, vous allez lui donner quelques droits à cet ex patron de bar ? L. L. : Déjà, il a le droit de venir chez moi, et j'ai le droit d'aller chez lui. Et j'ai pas réfléchi à ça, et pourquoi pas (rires) A. P. : Vous y avez joué dans ce bar hein ? L. L. : Oui, j'y ai joué. D'ailleurs, au moment où il était un p'tit peu en danger, on avait fait un p'tit spectacle de soutien avec les copains, au retour de Belgique avant de repartir je sais pas où. Et le lendemain, au moment de compter un p'tit peu c'qu'on avait fait, un p'tit peu comme caillasses chez lui, les huissiers sont arrivés, ont débarqué chez lui ! Il a tendu l'envelloppe et dit "ça ira ?" ... "on peut patienter monsieur"
Je ferme, live à Gauchy en 2010 (+ Mon côté punk)
Version parisienne
"Je ferme" version plus acoustique en direct de l'émission d'Effie sur France Bleue Nord du 11 mai 2013
Sortie de l'album : le 2 avril 2013
Titres : 1. Je ferme 2. Le grand matin 3. C'est toi qui moi 4. J'ai changé 5. Au bord de la falaise 6. Même pas honte 7. Ne bouge pas 8. Funambule 9. Un rude chameau 10. Olympe 11. Lui 12. La grande route
Alain Pilot : ... ce troisième album que vous nous présentez, non plus en duo avec votre contrebassiste François Pierron, mais en combo rock. C'était la suite logique des choses ? Loïc Lantoine : Je maîtrise pas les affaires de logique en ce qui concerne mon métier parce que, le temps passant, j'ai plus l'impression d'être un importeur, mais en tout cas un accidenté de la route, ça c'est certain. Les gens avec lesquels j'travaille aujourd'hui sont des bonshommes avant d'être des musiciens et l'esthétique qui s'dégage de c'qu'on a fait, c'est leur trajet différent à eux. Y'en a un qui vient d'un groupe qui s'appele "sons of the desert" (Joseph Doherty) qui était très rock, on a notre batteur, notre professeur (Thomas Fiancette) qui est un inventeur, qui touche un peu à tout, Fil (Eric Philippon) qui jouait dans la Tordue, François (Pierron) , évidemment, mon camarade-frangin historique ... et voilà, on a mélangé nos sensibilités. Alors, y'a pas d'logique. On avait, avec François, l'envie d'etoffer l'affaire, on le faisait déjà avant, on appelait ça des tournées cascades, toutes les semaines, c'était deux musiciens différents qui venaient nous rejoindre, et on les assemblait différemment, ça représentait une quinzaine de personnes, et parmi eux, y'avait déjà Joseph et Fil. A. P. : Vous avez confié la réalisation de ce disque à Daniel Yvinec, le directeur de l'orchestre national de jazz, c'est assez classieux ... le jazz fait partie de votre univers Loïc ? L. L. : Depuis peu de temps. Depuis 5 ans, ..... un peu plus finalement puisque sur Badaboum, il était présent ... mais c'qui a beaucoup changé les choses chez moi, c'est la rencontre avec Denis Charolles, de la compagnie des musiques à ouïr. Il a monté un spactacle auquel je participe, autour de Brassens, qui s'appelle les "Etrangers familiers". Et puis, il se trouve qu'à Lille, aussi, on a une pépinière d'artistes, et j'pense à un p'tit lieu qui s'appelle "la Malterie" qui fonctionne très bien, où j'ai pu me décomplexer, parce que, voilà, c'est comme des gens qui s'retrouvent plantés devant un tableau, dont j'ai fait partie longtemps, ces gens là, plantés devant un tableau de peinture abstraite et qui n'y comprennent rien .... Moi j'étais décomplexé d'la poésie, j'l'étais pas en peinture ni en jazz. Il suffit d'se dire ça m'plait, ça m'plait pas pour que d'un seul coup, tout s'apaise. ........ A. P. : Y'en a de la techno - rock dans le titre qui donne son nom à l'album "J'ai changé". Loïc Lantoine, vous êtes plus techno ou plus rock ? L. L. : Ah moi, j'suis plus rock, et puis la techno, là, c'est juste parce qu'on a mis juste une boîte à rythme imbécile et entêtante. Mais pour moi, elle se mèle bien au morceau, c'est mon idée, mais avant tout, elle me fait rire ! .......
"Ne bouge pas" version plus acoustique en direct de l'émission d'Effie sur France Bleue Nord du 11 mai 2013
Le 13 avril 2007, au Lavoir Moderne Parisien, cette chanson était déjà chantée pas chantée .... (et a beaucoup évolué) ... parmi d'autres ... au festival de la Belle Ouïe (c'est à la fin, à 7'47).
Mais en 2009, elle était déjà enregistrée sur l'album "On y est presque" d'Entre 2 caisses, sous le nom de "C'est toi, c'est moi". Sur cette version live du 13 juin 2009 à Chabeuil, on en apprend un peu plus sur la naissance de cette chanson.
Le 7 octobre 2013, au Bataclan, débute le tournage du clip sur "Ne bouge pas", réalisé par Tommy Pascal.
le 15 octobre 2013, le clip arrive
Loïc Lantoine est lauréat du prix coup de coeur chanson de l'académie Charles Cros pour son album "J'ai changé" le 9 mai 2013 ..... ça lui fait un très beau cadeau d'anniversaire pour ses 40 balais :
Le 9 mai 2013, au Festival Alors...chante, à MONTAUBAN (82) étaient remis les prix de l' Académie Charles Cros... Voici le palmarès :
Prix coup de coeur :
ASKEHOUG : Je te tuerai un jeudi Loïc Lantoine : J'ai changé BATpointG : Juste une note iAROSS: Renverser Laurent Montagne : A quoi jouons-nous ? Sophie Maurin : Eponyme MAISSIAT Tropiques Mell Turbo: Relation cheap meliSsmelL: Droit dans la gueule du loup Guillaume Barraband : L'épopée rustre
Francophonie :
Lisa Leblanc : Eponyme (Canada) Gasandji : Eponyme (Afrique, Océan indien) Marc Aymon : Creuser la mémoire de la boue (Suisse) Benjamin Schoos : China Man vs China Girl (Belgique)
"J'ai changé" est classé 6ème dans le classement francophone des radios partenaires
Il est un rude chameau de chansons pas chantées mais qui le sont de plus en plus. Il est pape d'Armentières version « Hanhôn frAnçaise » et pilote de fusées à Baïkonour parce qu'aujourd'hui, « quand on veut la lune, on est pas poète, on est cosmonaute »... Loïc Lantoine sort un quatrième album début avril après deux studios et un live. Le titre est mensonger : Lantoine n'a pas changé, il est toujours aussi doué pour tutoyer la lune; il a juste invité encore plus de copains à ouvrir son bréviaire d'altérité où trainent, entre autres, Norge, Couté et Michaux. Foudroyant.
Chanteur de chansons françaises plus ou moins chantées, Loïc Lantoine est un démineur franc-tireur anti inhumanité. Il démine debout au micro depuis un bon moment aux côtés de François Pierron qui est pour sa part armé d'une contrebasse. Il a hanté de sa présence et de sa voix, les textes de Mon Côté Punk, de La Campagnie des Musiques à Ouïr, de La Rue Kétanou et d'Allain Leprest. Tout démineur de connerie humaine qu'il est, il est aussi passeur d'histoires et révélateur de ce que poésie signifie.
Ici, au moment où j'écris ces lignes, il s'agirait peut être d'écrire « je » pour une fois. Parce qu'il m'est difficile de parler de poésie en disant « nous », parce que moi j'en suis pas capable mais que d'autre si. Lantoine le fait à la suite de Leprest et de Ferré. Sa parole et ses chansons, il les conjugue à la première personne du pluriel. Grâce à lui, j'ai peut être compris pourquoi il fallait raconter des histoires. J'ai peut être compris pourquoi « dire » est aujourd'hui plus que jamais essentiel dans un monde où les formes de circulation de la parole se diluent, où nos corps ont de plus en plus de mal à rencontrer nos imaginaires malgré toutes ces « nouvelles technologies de l'information et de la communication ». En écoutant Lantoine, j'ai compris qu'il fallait raconter des histoires au sens large et en écouter parce que nous sommes profondément des êtres de parole et que l'art du récit, de « la chanson pas chantée », qui se moque bien des frontières, touche ce qu'il y a de plus précieux en chacun de nous : notre capacité à reconnaître l'autre dans son droit à être lui-même et à être différent ; à penser notre relation à l'ailleurs de façon humaine, sans peurs, sans colères. Il faut écouter des histoires, des chansons et des poèmes avec des yeux grands ouverts et des sourires plein la bouche pour tâcher de reboiser l'âme humaine comme disait Julos Beaucarne.
Lantoine est un géant, il a reboisé mon âme d'adolescent qui avait peur de l'autre et de l'ailleurs. Comme un grand frère discret, il a fait pousser mon verbe du troisième groupe « grandir » en l'arrosant de textes remplis d'amour, de rage, de blessures et de fraternité.
Dans J'ai Changé, tissé avec le compagnon de toujours François Pierron (contrebasse) mais aussi avec Eric « Fil » Philippon (guitare), Joseph Doherty (vents, banjo) et Thomas Fiancette (percussions) ; Loïc Lantoine livre 12 morceaux d'émotion pure. Des textes qui tirent fort mes larmes et qui me prennent la main et font sourire en me disant à l'oreille : « allez camarade, le goût du sel est bon puis il reste l'espoir : il faut s'aimer et le chemin sera moins long ».
De « Je ferme » à « Même pas honte » en passant par « Funambule » et « Le grand matin », l'univers de cet album est foudroyant. Il est tendre et animal. Électrique dans « j'ai changé », il est lumineux et rempli de bruine du Nord dans « La grande route ». Il prend encore plus de couleurs que le précédent Tout est Calme ; il grandit au gré des musiques de Pierron, Fil, Doherty et Fiancette, qui sont aussi généreux que Lantoine. Il faut d'ailleurs les voir sur scène, orchestre de cosmonautes, fiers comme tout de partager, de se marrer, de divertir. Lantoine n'a pas changé non, seulement sa poésie prend encore plus de couleurs auprès de nouveaux instruments et d'une volonté de croire toujours et encore au mot « humain ». Parce que « humain » c'est joli c'est joli après tout non?...
Loïc Lantoine, les grands mots des petites gens 10 février 2013 Par Sam Joffre
Loic Lantoine paye sa tournée avant un nouvel album prévu pour le mois d’avril. Le duo voix – contrebasse des débuts est devenu quintet. L’émotion, elle, est intacte… Avec sa poésie taillée dans les pavés de son Nord-pas-de-Calais natal, évoquant les bonheurs et tourments du populo, Loic Lantoine est hors normes dans une génération de chanteurs plus enclins au nombrilisme et à l’anecdotique. Sa voix rocailleuse et abîmée conte, clame, susurre ou éructe une prose d’une incroyable puissance. Chez lui, les mots font partie intégrante de la musique, jouant leur partition avec une sensibilité à fleur de peau. Ses histoires ramassées sur le comptoir d’un bistrot ou au coin de la rue nous parlent d’amitiés fraternelles et d’amours déçus dans un verbe qui semble avoir trempé tout à la fois dans l’alcool et le cambouis. On y croise des ouvriers sentimentaux, des marins au coeur brisé, des poètes prolos et des bambins utopistes. On pense à Prévert un peu, à Ferré aussi… pour finalement se dire qu’il ne ressemble à personne d’autre. Si l’œuvre de Loic Lantoine est avant tout poétique, elle est aussi politique. Par les histoires qu’il nous raconte, il rend leur honneur aux petites gens, aux cabossés par la vie, aux timides et aux doux rêveurs. Et par ses textes à la beauté brute, il rend aussi hommage au parlé populaire avec une prose qui ne dédaigne pas l’argot, le patois et parfois même les fautes de français. Sur scène, l’ensemble est incarné par le grand corps sec et habité de l’auteur, tantôt fébrile et maladroit, tantôt suvolté et délirant. L’humour est omniprésent, qui contrebalance pudiquement le spleen suintant de certaines chansons comme des « avis de vent devant ma vie, et les paupières en parapluie ». Bref, c'est la tournée du patron. Pourquoi se priver ?
« M’sieurs, dames, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelles : la bonne c’est qu’il pleut pas dehors, la mauvaise c’est que je ferme. »
Un Loïc Lantoine est toujours de grand cru, vieilli en fût de chêne, loin des glands. Avec son sens de la formule à la Badaboum, son poids de bon sens et de parlé vrai, de verve ch’ti, de verbe insensé, sa poésie innée plombée de rocaille, essentielle. De grand cru et toujours différent du précédent, sans pour autant grand chambardement. Elle est loin sa « chanson pas chantée », concept un tantinet usurpé qui excusait jadis son irruption scénique, aussi saugrenue qu’un poil de cul dans un bol de caviar, et masquait à la manière d’un string ficelle son manque d’assurance malgré son drôle d’aplomb. Lantoine est chanteur, soyez en sûr, pleinement, toujours en suspension sur son fragile fil d’émotion. S’il n’a pas la voix de Caruso, il a en lui, dès le premier mot, toute l’émotion du monde, une façon de dire les choses, de lire la vie, de sonder les âmes, modeste et prodigieuse à la fois. Longtemps la zique lantoinesque ne reposait que sur la contrebasse inspirée, torturée, de François Pierron. Les rimes toutes aussi malmenées de Loïc appellent désormais renfort d’autres instruments : y’en a pas mal en ce disque : fort de sa belle équipe (Doherty, Philippon, Fiancette et Pierron), Lantoine gagne de nouveaux horizons musicaux qui ne manquent pas d’Eire et vont comme vers une Chaussée des géants se distraire d’onirisme. Mettre sur la platine un Lantoine, c’est comme partir. Drôle de voyage, routard que jamais, purs sentiers de poésie d’où vous revenez les souliers crottés, le visage fouetté de vent, rosi rougi de bouffées de tendresse. Y’a d’l’amitié, d’la fraternité. Y’a d’l’amour aussi, qui déchire un peu de la pudeur légendaire de not’ nordiste. Et puis la lutte, l’espoir, du Grand matin jusqu’aux grands soirs. Y’a tout Lantoine dans ce qu’il nous a de plus cher, de plus précieux, en un nouvel album déjà indispensable, plus riche encore. Le meilleur ? Ils le sont tous pareillement. Il est un chouïa différent. Magique, lumineux !
Chronique "Encore un matin" sur France Inter, par Didier Varrod, émission du jeudi 2 mai 2013
[Archive de l'extrait de l'émission, la chronique de Didier Varrod sur J'ai Changé]
Ce matin, vous nous présentez le nouvel album de Loïc Lantoine, chanteur et auteur singulier dans la chanson française. Après avoir construit jusque-là un répertoire avec la complicité exclusive de son contrebassiste François Pierron, Loic Lantoine et lui ont décidé de s’ouvrir à de nouveaux musiciens… Loïc Lantoine est un équilibriste. Il a fait de la chanson parlée un genre à part. Un genre intranquille à l’image de la puissance d’inspiration de ce pierrot lunaire amoché par la vie terrienne. On n’imaginait pas que Loïc Lantoine puisse changer, puisse avoir besoin d’ouvrir grand les fenêtres de son humanisme blessé. Et c’est pourtant ce qu’il a réussi à faire dans ce disque qu’il a intitulé « J’ai changé». Et c’est vrai puisqu’il le chante même avec le sourire en coin… Extrait de « J’ai changé »
C’est bien la voix boisée de Loïc Lantoine. Cette voix pleine d’arômes posés sur la douleur qui chez lui n’aime pas s’exhiber. Et qui revient nous raconter ses histoires d’amour, de coups de passions, de rage encore et toujours, et de lucides humanités. Celles d’un chanteur du hasard ou presque, poussé par la passion d’Allain Leprest, révélateur de vocations à qui l’on pense très fort lorsque démarre le nouveau disque de Loïc Lantoine. L’évocation d’un bistrot de Wazemmes à Lille qui a fini par fermer. Comme Leprest qui a fini par nous quitter. Le bistrot, comme un berceau d’existence, une terre de joie et de larmes, métaphore aussi d’une humanité à l’abri des fracas du monde… Extrait de « Je ferme »
Loïc Lantoine a trouvé dans ce disque un environnement musical à la fois plus rêche et plus étoffé qui illustre ce style posé au bord du gouffre. Extrait de « C’est toi qui moi »
Loïc Lantoine possède depuis toujours l’art du récit mais il quitte peu à peu le territoire de ce qu’il appelle « la chanson pas chantée ». Il semble maintenant moins en lutte avec ce qu’elle possède de plus populaire. Extrait de « La grande route »
Loïc Lantoine est un être qui a beaucoup de mal à exister par lui-même. C’est aussi pour cette raison qu’il est surtout un homme de scène. Un artiste qui se trouve dans l’arène. Un boxeur manchot qui retrouve le goût de la victoire et du K.O grâce à ses mots qui nous font aimer pour toujours la poésie du réel…
Marion Guilbaud J'ai un linguiste à vous présenter, un linguiste un peu particulier car il est l'inventeur de la chanson pas chantée, son nouvel album s'intitule "j'ai changé", et bah moi, j'espère qu'il a pas changé tant que ça, parce que moi j'adore sa voix unique de Tom Waits ch'ti, sa poésie punk, ses chansons à boire et à déboire, il a été longtemps en duo avec son complice le contrebassiste François Pierron, et il a choisi la formule "club des 5" pour défendre ses nouvelles chansons, c'est Loïc Lantoine
Eric Orsenna : Ah ! J'ai kiffé dur là ! J'ai kiffé dur parce que, quand on le voit là, il se bat, c'est une sorte de combat tendre, et donc y'a d'l'amour là dedans. Il se trouve que j'avais connu y'a très longtemps Bashung, c'est un univers comme ça , de cet ordre là, les mots sont portés, battus, défendus, et on a l'impression que c'est à la fois tendre et nécessaire Frédéric Lopez : Ca va être repris intégralement sur son dossier de presse Eric Orsenna : Mais je trouve ça magnifique
[Archive : extrait avec uniquement "Je ferme" et les mots d'Eric Orsenna]
H. H. : Alors, cet album ! Le but ? L. L. : Le but de cet album ? C'est de graver un petit peu les chansons qu'on était en train de tourner depuis un petit moment déjà avec les camarades-collègues. Voilà, il était temps, ça a même un p'tit peu trainé à mon goût. Mais c'est bien, on a envie déjà d'se mettre à autre chose. Le but, bah forcément, déjà, c'est de les graver, nous ça nous fait plaisir. Y'a des gens qu'en ont envie, et puis faut dire aussi que de toute façon, même si le disque en a pris plein la figure ces dernières années, ça reste un passage obligé pour accompagner une tournée de toute façon. Parce que pour parler de nous, il suffit pas de dire qu'on reprend la route, il faut pouvoir sortir un objet. On est ravis d'le faire et j'me plains pas. H. H. : Cet album, y'a un mélange de choses, tu sens quand même du pessimisme, et puis, y'a des p'tits chants d'espoir, faut un peu les chercher quand même, mais de temps en temps, y'a des p'tites plates bandes toutes vertes avec des p'tites marguerites. L. L. : Bah c'est peut être un p'tit peu .... j'pense que j'traverse les mêmes choses que tout le monde, en tout cas, j'ai les pieds dans l'carnage mais avec le goût d'me battre et surtout la chance d'être bien entouré, voilà, avec une sacré brochette d'imbéciles qui n'ont pas perdu l'sourire. H. H. : "Lui", c'est quoi l'histoire derrière la chanson ? Moi j'veux toujours les histoires derrière les chansons. L. L. : Là j'ai pensé particulièrement à quelqu'un qui ressemble à un ange même s'il n'en a pas le look, et puis c'est un ange rock and roll et complètement décallé, qui est capable, en ce qui concerne sa vie, d'être assez pessimiste mais qui est un distributeur de bonne humeur, d'espoir, et un puits de science aussi. Quelqu'un qui cache bien son jeu. C'est quelqu'un qui fait du bien, c'est quasiment un médicament ce mec là ! H. H. : Y'a beaucoup de portraits en fait. On peut croire, à première écoute, que tu parles de toi, et en fait, tu regardes des gens autour de toi et tu fais leur portrait. L. L. : Ouais, c'est pas mal comme ça que ça marche. ..... H. H. : Avec qui tu as travaillé sur cet album pour les musiques ? L. L. : Et bien avec les deux copains qui sont là avec nous, c'est à dire Fil et Joseph Doherty, avec François Pierron évidemment, mon camarade historique, et puis un batteur qui s'appelle Thomas Fiancette. Et pour l'album, on a eu le renfort de Daniel Yvinec, pour réaliser l'album, pour nous remettre un peu de fraîcheur dans les oreilles. H. H. : J'ai l'impression que tu chantes un tout petit peu plus ... qu'à tes débuts où tu étais plus dans une scansion, moins vocal ... L. L. : Complètement. C'est à dire qu'au début, je chantais pas du tout, et parfois, on me dit "tiens, on s'approche du chant", et maintenant, y'a pleins de chansons où moi j'ai l'impression de chanter, mais complètement, et c'est marrant parce qu'on me dit "on s'approche du chant", ..... moi j'ai l'impression d'être la Callas quand je chante .... et on me dit "Ah ! Ca commence à ressembler à du chant !", et à chaque fois, ça me met un peu les mains moites. ....... Hélène Hazéra (après écoute de "Lui" de l'album "J'ai changé"): C'est un peu l'atmosphère d'"un singe en hiver". Loïc Lantoine : Il peut y avoir de ça. Y'a une chanson, qu'on va interpréter d'ailleurs tout à l'heure, qui s'en rapproche a mon avis encore plus, et puis d'ailleurs, c'est une petite citation dedans. Mais c'est vrai que le temps passant, j'ai des fois du recul sur les fêtes infernales qu'on a pu faire, bah ouais, j'suis pas bien vieux hein, j'viens d'faire 40 ans, mais j'ai pas la même santé qu'à 20 ans et on a fait quand même des sacrés noubas et des sacrés rencontres, et on a fait environ n'importe quoi, et c'est vrai que j'ai beaucoup d'affection pour toutes les bêtises qu'on a pu faire. .......... H. H. (après écoute de "même pas honte") : "Cons de nous j'aime les instants / Un peu des fois je fais le fier / Mais si demain m'est important / On a rien laissé d'hier". L. L. : Oui, j'évoquais un petit peu ça tout à l'heure, on se construit aussi avec nos bêtises. C'est une chanson que j'ai dédicacé à Mourad, Florent et Olivier, mes collègues de la Rue Kétanou, avec qui on a fait des trucs pas possibles, on a fait la manche à New York 2 années de suite ensemble. Le chic français en a pris beaucoup dans la tête ! H. H. : Ca vaut bien pour tous les américains qui viennent faire des fausses notes dans le métro, qui savent que les français aiment bien la langue, les choses chantées en anglais. L. L. : C'est peut être vrai. En tout cas, voilà ... c'était pas que ça .... H. H. : C'était quoi les gens qui donnaient à New York ? L. L. : De tout ! Même des flics ! H. H. : On a le droit de chanter dans la rue à New York ou faut demander un permis ? L. L. : C'est quand même un pays étonnant ! J'vais pas en parler [....] J'prétends pas l'connaitre .... C'qui est sur, j'ai été étonné, c'est quand on a déjà entendu un moment un vieux larsen sur un camion de flic qui partait, on s'est dit "ça c'est pour nous !". Et on entend une grosse voix qui fait "Encore !(accent américain)". On était rassurés ! Et puis ça dépendait des endroits où on allait faire la manche..... On a rencontré des p'tits rappeurs du Bronx comme des bourgeois élégants qui nous lâchaient un billet de 20 dollars, et on était foufou quoi ! C'est pas que là bas à New York, j'me souviens aussi d'un matin en se levant, après avoir dormi sur la plage, tout le monde enroulé autour de ses instruments pour pas se les faire piquer parce qu'on se couchait un peu fatigué. J'me souviens de Mourad qui se réveillait et qui disait "Fait chanter combien de temps pour un poulet ?". C'est c'qu'on a fait, et quand on a eu assez, on est allé manger le poulet. Donc voilà, toutes les bêtises qu'on a pu faire et les grandes rigolades. Et j'ai appris mon boulot comme ça, non pas en attendant que les gens viennent mais en allant les voir. ........ H. H. : "J'ai changé", ça t'est venu quand ? L. L. : C'est une chanson qui part sur une phrase complètement imbécile que j'trainais depuis longtemps, avec mon camarade Titi, qui faisait la poursuite des Têtes Raides : "Avant j'étais une grosse cochonne et maintenant, j'me détruits". Et puis j'ai poursuivi le principe. Et il se trouve qu'à l'écriture .... j'pense que c'est la plus ancienne des chansons qu'est sur c't'album, et c'était à un moment où effectivement, j'avais le sentiment d'avoir pris un petit tournant dans ma vie ! On va dire une légère maturité ! Tout en m'apercevant que j'étais toujours aussi couillon, mais, voilà, à ce moment là .... H. H. : Tu passais de couillon à vieux con, c'est ça ? L. L. : Ouais, pas loin ! Mais vieux con heureux ! Et voilà, ça m'faisait marrer ! C'est toujours très dangereux de prendre les devants avec les journalistes, parce qu'on s'est fait piéger avec la chanson pas chantée ... Et là, je voulais esquiver un peu ces affaires de mature et d'album de la maturité, c'est assez effrayant ces périodes là. Et du coup, ça permet de décaller le propos et on ne m'en a jamais parlé. Faut dire qu'c'est un album qui fait pas très mature non plus. .........
Merci Loïc Lantoine. Merci pour tout c'bazar ! Merci pour cette ardente bourrasque qui attise la chanson francophone. Et puis, merci pour tout ce que tu nous as appris ou permis de découvrir. Merci pour Jehan, pour Allain Leprest. pour Bernard Dimey. Merci d’être toi jusque dans les cordes de « tin copain » François Pierron. Sans toi (et la bande de Mon Côté Punk), mon panorama de la chanson ne se serait pas aussi élargi ou alors pas aussi vite. Merci pour ces concerts, ces trois albums (quatre si on ajoute le live) à chaque fois sincères et bouleversants. Quelques-unes de tes chansons me tiennent régulièrement compagnie. Et, tantôt, l'envie d'en réentendre une arrive subitement (Majid, Pierrot...), et ça fait du bien ou pas, c'est selon ; « moi, j'aime ce qu'on me donne ». Tu nous ressembles. On te ressemble. Tu pas-chantes ce que beaucoup d'entre nous gardent en eux. Il faudrait que l'on s'y prenne tous comme toi : mettre tous ces sentiments qui nous envahissent en textes, en maltraitant la forme, en tordant les mots pour en surligner le sens et l'émotion, puis les graver sur des disques, ou autre. Mais nous ne possédons pas tous ton talent, ton audace. Et nous n'avons pas François Pierron près de nous. Il est beau et touchant ton album, criant de vérités et d'histoires : d'amitiés, de copains, de bistrots, de silence, d'amours ; « même pas honte ». Par rapport aux précédents, quelque chose de différent transpire. Malgré le rentre-dedans habituel, il s'exhale une forme de sagesse de « singe d'hiver », de bonté avec une pointe de grave légèreté, « un coin d'éternité qui rassure l'horizon», « un goût de toujours », une légère plénitude. Dur à expliquer.
« Messieurs dames j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle La bonne il ne pleut pas dehors Et la mauvaise je ferme »
Récemment, j'écrivais que tu me faisais, et de plus en plus, penser à Hubert Félix Thiéfaine. D'abord l'ambiance qui se dégage de cet album puis le côté torturé, un brin schizo. Dans une interview Thiéfaine dit que "La musique, elle vient naturellement de l’inconscient, on peut faire passer son inconscient par la musique, tandis que si l’inconscient ne trouve pas le mot, il y a blocage. Il existe même certains blocages à ce niveau qui peuvent être dangereux, créer des névroses. Cela prouve bien que l’inconscient est chargé de mots. Il faut le lâcher, libérer les mots. Une fois que c’est fait, je peux continuer à écrire des journées entières. Mais il y a d’abord toujours cette période terrible : comment débloquer l’inconscient pour aller plus loin ?". Cela correspond bien à l'écriture de ton album. La musique amène le texte, délivre tes mots, les dispense de forme, leur « déroule le fil », « vide les horreurs ». Et ils résonnent en nous. Il y a « deux » Loïc. Le timide, le pudique, le pas-sûr de lui, l'attachant de la vie de tous les jours, souvent aux environs d'un comptoir avec quelques verres, généralement gêné que l'on dise du bien de ses chansons ou de ses concerts. Et celui qui dévaste tout sur une scène, le ravageur, le remueur de tripes, qui culbute une salle ou la réduit au silence avec quelques vers, qui vous « met 10-0 ». « Lui c’est l'timide accompli qu’a des ripostes terrifiantes Lui, c’est la source de la tendresse et le point d’interrogation »
« Au bord de la falaise et le nez dans le vent... »
Ces chansons, elles ont traîné leurs guêtres sur scène avant d'arriver sur ce disque, elles sont abouties, posées, comme un vin bien vieilli, ou une bière fraîche et mousseuse qui attend sur le comptoir qu'on l'écluse d'une seule traite. Choisissez bien votre moment pour insérer ce disque cela fait bigrement mal ou énormément de bien, selon l'instant. Accrochez-vous, « la claque va gifler fort », « ça casse tout », « le temps courbe la tête ». C'est une œuvre qui vous retourne. « Ça frime en grand ». Il annonce qu'il a changé. Moi, je trouve qu'il a changé puisqu'il chante vraiment maintenant, il a son style, mais il chante. Il « décompose, décadence, décroche ». Avec moins de rengaines que dans les albums précédents lorsqu'il « avait la tête dans les étoiles ». Comme lui, j'aimerai crier « j'ai changé » mais il a raison : « je vis de mes erreurs, je ne l'ai pas fait exprès ». Les erreurs c'est comme tes chansons, elles nous poursuivent. « J'étais quand même un rude chameau ». Tout y est ; des chansons d'amours (Olympe, C'est toi qui moi), une marche (Le grand matin), une promenade irlandaise (La grande route), un truc nostalgique à la Led Zep ( Ne bouge pas), du blues (Lui)... Rien à dire sur l'orchestration, tout est propre (trop?), « Rock'n roll » . Grâce à François, un magicien qui emmaillote tes vers, et au reste de la bande qui monte la sauce: Eric Philippon, guitariste de La Tordue, l' homme-orchestre Joseph Doherty, et Thomas Fiancette à la batterie. C'est beau, c'est bon. L'éventail est large, et il est captivant, émouvant. « y' a du sourire à nos carreaux » !
« C'est tout pour ce soir ma montagne d'espoir bonne nuit ma jolie ».
Un disque « Silène », avec « L'autre distribution ». Merci à Sissi Kessaï.
Dans son numéro de décembre 2013-Janvier 2014, Francofans élabore son palmarès des meilleurs disques de production musicale francophone sortis entre octobre 2012 et novembre 2013. Et c'est "J'ai changé" de Loïc Lantoine qui arrive en tête.
Le blog chanson de Yannick Delneste, Philippe Ménard et Catherine Methon
20/12/2013
Nos meilleurs albums de 2013 Dans une année particulièrement faste, ne retenir que dix albums a été un remue-méninges épuisant, laissant nos rédacteurs quasiment exsangues... Babx sort grand vainqueur de 2013, porté au pinacle par deux des trois plumitifs sévissant régulièrement dans cet espace. [] Variété des genres et des générations, fraîcheur et valeurs sûres : se dessine dans ce coup d'oeil dans le rétro, l'état d'esprit de ce blog, ouvert aux quatre vents de la chanson. Le Top 15 de "C'est déjà ça" 1. Babx "Drones personnels" (Cinq 7/Wagram) 2. Loïc Lantoine "J'ai changé" (Silène/L'autre distribution) Il a changé un peu mais finalement pas tant que ça et c'est tant mieux. Il nous clouait depuis trois albums (son live "A l'attaque" est un disque à part entière) par ses "chansons pas chantées". Il s'entoure là d'une formation jazz-rock, rapeuse à souhait, et la magie de Lantoine est la même. Le Nordiste est le seul vivant à savoir si bien chanter la lutte des classes et la toujours actuelle condition ouvrière avec tendresse et poils au garde-à-vous. 3. Anouk Aïata "La femme mangeuse des nuages du ciel" (Barclay) 4. Thomas Fersen & The Ginger accident (Tôt ou Tard) 5. Stromae "Racine carrée" (Mercury) 6. Fauve "Blizzard" (Fauve Corp) 7. Alex Beaupain "Après moi le déluge" (Capitol) 8. Vincent Delerm "Les Amants parallèles" (Tôt ou Tard) 9. Maxime Leforestier "Le Cadeau" (Polydor) 10. Têtes Raides "Corps de mots" (Tôt ou Tard) 11. Zazie "Cyclo" (Mercury) 12. Maison Tellier "Beauté pour tous" (At(h)ome) 13. Sarah Olivier "Pink Galina" (La Triperie) 14. Saule "Géant" (Pias/ Le Label) 15. Vanessa Paradis "Love Songs" (Barclay) En guise de conclusion, rappelons que ce classement n'a pas vocation à l'exhaustivité, il se fonde sur ce qui passe par nos oreilles et qui a été chroniqué sur ce blog. On aurait pu également parler des élégants "Parcs" de Bertrand Belin. Voilà pourquoi on n'y retrouve pas non plus et par exemple, les "Horizons" de Détroit, le projet de Bertrand Cantat et Pascal Humbert, auquel nous avons été loin d'être indifférents …
Texte : Loïc Lantoine Musique : Eric Philippon, Joseph Doherty, François Pierron et Thomas Fiancette
Avant j’finissais pas craquer Mais maintenant je décède Avant j’étais un gros punk Mais maintenant je décrète Avant j’étais tout faible Mais maintenant j’me démolis Avant j’errais comme un fantôme Mais maintenant j’suis p’us hanteur Avant j’ai tout baclé trop vite Mais maintenant je me défonce Avant j’étais une grosse cochonne Mais maintenant j’me détruis Avant la musique j’était un marrant Mais maintenant j’suis un p’us pitre je décompose Je décadence je décroche
J’ai changé j’ai mûri j’ai grossi Ça va mieux Merci
Je progresse je gère j’me soigne Ça va mieux Merci
Avant avec les filles j’étais carrément débile Mais maintenant j’suis p’us sot Avant on était cul et chemise Mais maintenant j’te désoude Avant j’te couvrais de ma chemise par amour Mais maintenant j’suis p’us lover Avant je faisais tout comme toi Mais maintenant j’me décalque Avant je te charriais un peu j’te cherchais Mais maintenant j’te déteste Avant je faisais les choses en grand Mais maintenant je dévaste Avant j’avais la tête dans les étoiles Mais maintenant je désastre
J’ai changé j’ai mûri j’ai grossi Ça va mieux Merci
Je progresse je gère j’me soigne Ça va mieux Merci
Avant j’hurlais à la mort Mais maintenant je m’dégueule Avant on m’payait pour faire ça Maintenant je dégage Avant j’pétais heureux dans la mer Maintenant je dégaze Avant je m’engageais je m’regroupais Mais maintenant je suis p’us très faction Avant j’étais un putain d’anxieux Mais maintenant j’me débile Avant j’savais tout Maintenant j’suis décalé Avant j’étos tout A c’t’heure j’suis p’us rin
J’ai changé j’ai mûri j’ai grossi Ça va mieux Merci
Je progresse je gère j’me soigne Ça va mieux Merci
Au bord de la falaise et le nez dans le vent Je respire ton souffle devant le monde qui fume Prends le bonjour mon frère une larme et un rhume Viens qu’on ne bouge pas j’entends battre ton sang
On a tant presque fait qu’on est loin de la mort Alors tiens le repos tu t’es bien bagarré Et restons vers nulle part j’connais pas où t’es né Mais j’vois dans ton regard qu’on peut pas avoir tort
Puisque tu es debout que tu regardes au loin Tu sais mon ignorance et j’étrangle tes doutes Je n’ai pas peur de toi car tu bordes ma route Attention gars fragiles qu’ont la rage des lendemains
Merci d’être juste là puisque tu n’es que toi Que dans nos têtes baissées nous reviennent nos fêtes Qu’on reprenne fierté juste avant la tempête Rentre au sec mon ami et le bonjour chez toi
Texte : Loïc Lantoine Musique : Eric Philippon, Joseph Doherty, François Pierron et Thomas Fiancette
Salut mes frères de carnage Au souv’nir camarades cramés Z’avez t’y cor’ l’goût du saccage Ma pov’ dame qu’est ce qu’on s’est marrés
Dès qu’j’casse un verre à la maison J’me fais une remontée d’conn’rie Tout l’monde à poil et mort aux cons Qu’on reparte engrosser la nuit
Je ressens ma tête bouillir Au moindre petit sourire en coin C’était du beau et même pire Nos désastres je les garde pas loin
Même pas honte On servait une noble cause Gaspillons-nous puisqu’on est d’trop Les gars allons voir si j’arrose C’était du fumier au galop
Si l’aurore me fait rigoler C’est qu’on lui a mis dix-zéro En équilibre sur un muret Hurlant qu’on était des héros
Et tiens j’ai des bouffées d’tendresse Pauvre de nous et pauvre lune A qui on a montré nos fesses Avant d’s’écrouler dans la dune
Même pas honte
On ne me verra pas rougir Au moment où j’invoque nos fêtes J’en ai gardé l’urgence de dire Trois cicatrices et un rire bête
Eh combattants singes d’hiver Où êtes-vous ça me dérange Jusqu’ici j’ai fait qu’d’me taire Mais je sais c’qu’on a fait aux anges
Cons de nous j’aime les instants Un peu des fois je fais le fier Mais si demain m’est important Qu’on a rien laissé d’hier
Même pas honte
Live à Nantes en janvier 2013
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Ne bouge pas
Texte : Loïc Lantoine Musique : Eric Philippon
Ça casse tout Ça s’casse tout l’temps Ça s’excuse pas Ça explique mal Ça rit trop fort Ça s’est cru grand Ça n’y croit plus Puis ça s’remballe C’est rien c'est moi Ne bouge pas
Ça ouvre les bras Et ça invente Ça dit dégage Ça n’a plus peur Ça s’exaspère C’est pas méchante Ça fait l’amour Ça fait l’bonheur Je sais c’est toi Je bouge pas
Ça tangue un peu Ça touche le fond Ça te sourit Ça s’entimide Ça respire fort quand l’temps est long Ça espère Ça compte ses rides C’est rien c’est moi Ne bouge pas
Ça s’énerve Ça reconstruit Ça t’apprend comme ça découvre Ça pleure des fois Ça s’colle la nuit Ça se dévoile Ça se recouvre Je sais c’est toi Je bouge pas
Ça frime en grand Ça s’pose en homme Ça te fou-rire Ça te supplie Ça s’emmystère et boule de gomme Ça va d’travers Et ça s’applique C’est rien c’est moi Ne bouge pas
Ça se désole Ça vaille que vaille Ça s’arrondit Ça fait maman Ça fait panpan Ça panse les failles Ça dit vas-y Ça dit attends Je sais c’est toi Je boug’rai pas
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Funambule
Texte : Loïc Lantoine Musique : Eric Philippon
Je suis pas funambule Je brave pas la mort Je souffle dans les bulles Et je crie quand ça mord
Je peux pas faire vainqueur Jamais c’est moi la flamme Je drague le bonheur Je dis bonjour Madame
C’est pas moi qui résonne Je n’ai pas peur de rien Je connais pas personne Et je vis chez les miens
Je tire pas le premier Je promets rien promis Je compte pas les billets J’ai jamais rien fini
J’suis pas sur la photo Moi je sais pas danser Je vais en mêlée mollo Quand j’ai les mains mouillées
Je rentre pas dedans Parce que tout m’impressionne Moi j’ai pas trente-deux dents Moi j’aime ce qu’on me donne
J’ai le mot juste après Je vis de mes erreurs Je l’ai pas fait exprès Je vide mes horreurs
J’suis planqué dans la ronde C’est pas moi qui conduis je change pas le monde J’ai rien contre la vie
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Un rude chameau
Texte : Loïc Lantoine Musique : Eric Philippon, Joseph Doherty, François Pierron et Thomas Fiancette
C’est des histoires de morves des contes de gars content De p’tit môme à sa mum de brouillon débutant Qu’a lâché les tétons pour jouer les têtus Qui tatonne et s’étonne mais qui fait le velu Terrifié d’l’infini étranger à la mort J’étais le pas d’accord qu’en revoulait encore Quand en gosse je m’agace je repense à la grâce D’une mamie émue qui m’disait d’une voix classe
Qu’j’étais quand même un rude chameau Qu’j’étais quand même un rude chameau
C’est des histoires de mec qu’a fini ses bons becs Qu’a des colères de fric qu’a son espoir tout frec Qui se frotte au fracas des verres renversés Qui survit à l’amour en feintant d’se marrer C’est des jours démolis des nuits un peu jolies Du gars qui s’aime pas lui mais qui marche à l’envie Et l’ouragan des rires des mecs solitaires Qui savent tellement rien qu’ils pourront jamais s’taire
Sûr que j’étais un rude chameau Sûr que j’étais un rude chameau
C’est des histoire de mieux calme toi je le veux D’un gars qu’est encore là presque vert au milieu Ça tourmente et tempête mais les matins sont frais Et les copains compétents pour qu’on dise que c’est vrai Quand toute honte s’ra bue si le temps est au sec J’regard’rai ma quelqu’une qui veux bien faire avec On tutoiera la mort en fabriquant des gosses Mais faut dire vu l’dossier vu c’qui a dans ma bosse
J’resterai quand même un rude chameau J’resterai quand même un rude chameau
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Olympe
Texte : Loïc Lantoine Musique : François Pierron
Bienvenue ma petite J’ai l’nez à la vitre Va et t’en fais pas Moi c’est ton papa
J’te déroule le fil T’es arrivée pile Va téter trois gouttes Je t’ouvre la route
Et dors mon bébé Tu viens d’arriver Chez nous c’est la fête Fais pousser ta tête
J’ai r’ssorti mes billes Que t’es belle ma fille J’suis bête et content J’aime ta maman
Je compte un deux trois Mon petit bout de moi Ça y est c’est parti Voilà c’est ta vie
Je te le veux douce Je soufflerai sur la mousse Tes yeux qui sont deux I’verront c’qui a d’mieux
J’crains rien mon enfant Je t’offre du temps Va ranger ta chambre Ce s’ra pour septembre
Je te ferai rire Danser sur le pire Si tu bois des larmes T’en feras des armes
Ton père et ta mère Peuvent bien faire les fiers Notre intersection Goutte un jus d’passion
C’est tout pour ce soir Ma montagne d’espoir Bonne nuit ma jolie T’es chez toi ici
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Lui
A Sainto
Texte : Loïc Lantoine Musique : Eric Philippon, Joseph Doherty, François Pierron et Thomas Fiancette
Lui il escalade les collines et il se promène sur les pics Lui il pleure quand il dit je t’aime et il rigole les jours de deuil Quand il a rien il partage tout quand il a tout là je sais pas Il prend sa douche sous la pluie avant d’aller bronzer à l’ombre Et quand il hurle on n’entend rien mais quand i’s’tait ça raconte tout Quand il a mal il est vivant mais au calme il pense à la mort Quand il te mord ça fait du bien il a des sourires assassins Quand tu sais tout il fait l’idiot quand tu sais plus il est chez toi Il a vingt-quatre points cardinaux mais n’marche que dans une direction Lui il connait la terre entière mais jamais ne tutoie personne Lui qui pousse dans le bordel il te souhaite le repos chez toi Il est perdu oui mais partout il est discret mais tu l’as vu Il cause de rien mais il en sait lui il s’enfuit quand on s’en fout C’est la boucle du nœud de tout et c’est la niche des fragiles Lui il te tape dans le dos sans jamais s’essuyer la main Il a la caresse lointaine des gens dont on partage le sang C’est celui qui n’est jamais là beau comme une carte postale C’est un genre de maître à penser qui t’amène au premier métro C’est celui qui fait jamais gaffe quand ta gaffe te met les joues rouges Lui il court loin devant ses pompes jamais i’trompe il tente tout Lui c’est le timide accompli qu’a des ripostes terrifiantes Lui c’est la source de la tendresse et le point d’interrogation
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La grande route
Texte : Loïc Lantoine Musique : Eric Philippon, Joseph Doherty, François Pierron et Thomas Fiancette
La claque a giflé fort Le courant a suivi On aurait cru la mort Mais c’était pas fini
Le monde s’est penché Mais dedans ma maison Un coin d’éternité Rassurait l’horizon
Le joli a griffé La voile de la tempête Le vent s’est déchiré Le temps courbe la tête
Je te vois au milieu C’est ta place de toujours Je recompte pas tes yeux T’es la même mon amour
Et maintenant maintenant Moi je t’offre la bruine Il nous reste devant Si on fait chante ruine