Rue de la muette, chansons haut de gamme Il faut parvenir à s’arracher à l’immersion dans ces nouvelles chansons de Patrick Ochs et de ses trois amis, en extraire le suc, dire ce qui palpite là sous la blouse, ce cœur touché au vif. Pourvu que ces mots posés sur d’autres mots, mêlés aux atmosphères sonores, sachent créer l’envie de partager ce monde, cette évasion vers un ailleurs. Car Patrick Ochs, sa voix de rocaille ou de galets ballottés, usés par des flots amers, les clarinettes, l’accordéon nostalgique, les délicats frôlements de cymbales ou le cajun, vous alpaguent et vous entraînent dans leur sillage. De la première à la treizième chanson ils ne vous lâcheront pas. La traversée est mouvementée, car cette mer là n’est pas d’huile. On a parfois mal à l’humanité qui cherche son chemin, qui « mendie l’amour, toute la vie on espère toujours une vie plus belle…ô vie cruelle ! » (Mendiants), qui s’égare parfois quand elle se résume à « monter, monter l’escalier sans jamais fatiguer, j’ai poussé ceux qui me gênaient, j’suis passé devant, j’ai pensé que je ne tomberais jamais » (Regardez tomber les gens). On a mal à cette humanité qui crie sa révolte quand des millions de gars meurent dans la boue des tranchées (la reprise de La chanson de Craonne clôt l’album). N’est-elle qu’ombres chinoises, cette vie-là ? Quand elle ne suit plus cette ombre, qu’on ne peut plus la faire danser, on devient transparent, on reste seul au milieu de la ville, on n’existe plus (troublante Ombre chinoise). Mais ces chansons abordent surtout des rives irréelles, baignées de brume et de nuit, les rives du souvenir (Marvin, ce train arrêté en rase campagne et cette rencontre qui change la vie – à jamais – ou bien cette apparition de Ray Charles dans un récit très cinématographique : La valse de Ray) .......
La valse de Ray
........ à moins que ce ne soit plutôt celles du rêve et surtout du rêve amoureux jamais assouvi : La nuit je mens du regretté Bashung, où le texte lentement égrené, subtilement accompagné par un accordéon langoureux, prend une dimension poétique sublimée, Malaïka, adapté de Fadhili William, « Malaïka ça veut dire mon ange… j’aimerais voler sous tes ailes » ou N’allez pas au bal de la marine où l’on pourrait apercevoir Delphine Seyrig et Mickaël Londasle valsant « juste avant la guerre, à la lueur des chandeliers » sous le regard de Marguerite Duras. Reste à parler de l’enfance et de ce qui en subsiste en nous, de nous car, dans cet album, elle est là, palpitante. Dans l’Assassinat, récit poignant d’un soir qui peut changer l’Histoire, les enfants apparaissent « affamés », en déroute, semblables aux Effarés de Rimbaud, « ayant de la peine à oublier les chaînes qu’ils venaient de briser. » Dans Petits enfants ils forment un cortège nocturne, un défilé de cirque oublié, métamorphosés souvent en animaux,éléphants, léopards, chimpanzés, jaguars… pendant que « les adultes endormis se reposent des journées de solitude et d’inquiétude. » Mais surtout c’est la valse de Petilou qui met sa note tendre sur le chemin de la course du temps de son grand-père dont il lâche la main, tout comme le tableau que dessine aux couleurs de Marie Laurencin : La vache qu’un garçon était en train de traire. Comme toute fable elle parle aux enfants mais encore plus à l’adulte ! « Chacun mange plus petit que soi »… C’est un bijou cette chanson là.
La vache qu'un garçon était en train de traire
Rue de la muette c’est quinze ans de tournées, cinq albums, tant et tant de scènes, plus de mille. On espère que ces chansons d’Ombres Chinoises, écrites, composées à quatre pendant quatre mois en Dordogne, iront loin, à la rencontre de milliers de regards et de cœurs, portées par les musiciens, surtout par la voix et le corps de l’homme qui danse : Patrick Ochs.
Rue de la Muette parade à nouveau Par Michel Kemper - Novembre 2011 Rue de la Muette, c’est d’abord et avant tout Patrick Ochs, de plus en plus même : lui, colosse à la voix granuleuse, concassée, un peu Arthur H en fin de nuit, en fin de vie. Une voix qui vous laboure l’oreille, en décolle le cérumen même. Pour son cinquième opus, Ochs change et de crémerie (exit Le Chant du Monde) et de direction musicale : le klezmer s’estompe, c’est désormais plein rock, froides batterie et guitares électriques mais toujours l’intempestive gaieté des cuivres et de l’accordéon, comme autant de crottes de nez, de nez de clowns, style Parade de cirque, le sien, sur ces pavés mouillés et noirs de la pochette. Parades aussi d’un amour jamais acquis, en diverses chansons qui sonnent comme autant de défaites : « Parce que la vie ça se travaille / Comme l’argile la ferraille / A coups de marteau / Coups de cisailles / Les amours passés, faut dépasser / Vaille que vaille / Allez, au travail. » Reste la tendresse, consubstantielle à Ochs : y’en a plein qui baignent ces sillons ! Pas de roucoulades donc mais le monde qui est ce qu’il est : « Changez chaque seconde qui fait tourner, qui fait bouger le monde… » Ochs observe ce monde et le restitue intact (ces banques qui font banqueroute, ceux qui dorment sous des tentes, ces gens qui se battent pour un idéal, d’autres qui s’indiffèrent d’indifférence…), s’y ballade même. Un monde animé d’une terne mélancolie : « De chaque côté de la ligne / On pose les pieds / Pour avancer, pour penser, pour s’aimer. » Même si le sourire en est absent, même s’il évolue dans le sombre, ce cinquième opus est encore brillant, paradoxalement lumineux. Hors son timbre, la voix de Patrick est impressionnante de par ce qu’elle charrie. Reste qu’à cette voix singulière qui Ochs de la tête, Rue de la Muette associe celle, nasale, de CharlElie Couture, venu y faire duo sur Fou, je m’en fous. Un peu comme la cerise sur le gâteau…
Britney Fou, je m'en fou (duo avec CharlElie Couture) Coeur de Cailloux
ASSEZ DE POGNON ! 2008 | Ariane Production / Le chant du monde / Harmunia Mundi
La grande (Rue de la) Muette Par Michel Kemper - Septembre 2009 Il a la tenue circassienne, rouge et or, d’un montreur d’ours, d’un dompteur de rêves. Le crâne nu, à la Teddy Salavas. Et la voix grave, majestueuse et tragique à la fois. Dès son entrée en scène, il est là. En nous. D’une force étonnante, envoûtante, énigmatique. Lui est ses cinq compagnons musiciens, sur cette scène-piste où se joue la vie, dans sa beauté comme dans ses horreurs, sa logique du pognon-roi et, malgré tout, sa part de poésie. Patrick Ochs (prononcez Ox) n’a pas le physique du jeune premier, du sirupeux chanteur de variétés. Du reste, ça n’est pas son commerce. Il n’est que flaque d’eau par laquelle se mire une existence parfois glauque, toujours simple, qui jamais ne triche, jamais ne joue. Ou alors le jeu est « je », qui tire du lointain d’autres morceaux de vies, plus impliqués encore, presque embués. La prise est directe entre lui et nous. Pas de chichis et une voix non belle mais bouleversante qui vous tire des larmes sincères : ne chante pas Drancy (ce camp de la Muette, comme par hasard) et les rafles qui veut : « Que l’été était beau, que la vie était chouette / Qui nous a dénoncés, qui nous a embarqués Cité de la Muette / Dans le camps de Drancy, barbelé vert de gris ». A croire qu’il y a plusieurs vies en ce sage, qu’il en est le creuset et la mémoire, des vies qu’il relate comme on le ferait lors d’une veillée. Avec ses bras qui se tendent, ses mains qui parlent d’abondance. Et cette voix, toujours… Qu’il confronte parfois aux paroles d’autrui, Jean-Roger Caussimon ou Jacques Brel. Le rauque de sa gorge tiraille le velours des mots, les malmène, les charrie, les fait parler plus encore. L’émotion est à son paroxysme, palpable comme rarement, comme jamais. Cette Muette si causante, cette Rue, ce boulevard, était encore l’heure d’avant quasi inconnue d’un public venu sur l’image d’un festival, l’idée d’une possible découverte. C’est bien plus que ça et ce sera ruée sur les piles de disques. Et des gens qui s’ont vont gorgés d’émotion, à tenter d’y poser à son tour des mses horreurs, sa logique du pognon-roi et, malgré tout, sa part de poésie. Patrick Ochs (prononcez Ox) n’a pas le physique du jeune premier, du sirupeux chanteur de variétés. Du reste, ça n’est pas son commerce. Il n’est que flaque d’eau par laquelle se mire une existence parfois glauque, toujours simple, qui jamais ne triche, jamais ne joue. Ou alors le jeu est « je », qui tire du lointain d’autres morceaux de vies, plus impliqués encore, presque embués. La prise est directe entre lui et nous. Pas de chichis et une voix non belle mais bouleversante qui vous tire des larmes sincères : ne chante pas Drancy (ce camp de la Muette, comme par hasard) et les rafles qui veut : « Que l’été était beau, que la vie était chouette / Qui nous a dénoncés, qui nous a embarqués Cité de la Muette / Dans le camps de Drancy, barbelé vert de gris ». A croire qu’il y a plusieurs vies en ce sage, qu’il en est le creuset et la mémoire, des vies qu’il relate comme on le ferait lors d’une veillée. Avec ses bras qui se tendent, ses mains qui parlent d’abondance. Et cette voix, toujours… Qu’il confronte parfois aux paroles d’autrui, Jean-Roger Caussimon ou Jacques Brel. Le rauque de sa gorge tiraille le velours des mots, les malmène, les charrie, les fait parler plus encore. L’émotion est à son paroxysme, palpable comme rarement, comme jamais. Cette Muette si causante, cette Rue, ce boulevard, était encore l’heure d’avant quasi inconnue d’un public venu sur l’image d’un festival, l’idée d’une possible découverte. C’est bien plus que ça et ce sera ruée sur les piles de disques. Et des gens qui s’ont vont gorgés d’émotion, à tenter d’y poser à son tour des mots.
Assez de Pognon ! Un ange au-dessus de moi La tête dans le sac
LES MAUVAIS COUPS 2006 | V.Music / Le chant du monde / Harmunia Mundi
L'album "Les Mauvais coups" a été enregistré et mixé au studio "39acoustiques" à Lyon par Christophe Allègre. Réalisation artistique Etienne Vitté et Patrick Ochs. Mastering Globe Audio à Bordeaux.